Brat Pack

(Brat Pack 1 à 5 + un dossier complémentaire)
Nous sommes à Slumburg, une ville américaine ou opère un groupe de super héros nommé les "Black October", des héros qui sont apparus un peu avant la disparition mystérieuse de True Man, le héros ultime qui faisait régner l’ordre jusque là !
Chaque membre de l’équipe à ce qu’on appelle un sidekick, c’est à dire un jeune partenaire qui les assiste. Mais ce jour là, le mystérieux Doctor Blasphemy réussit à les rassembler et à tous les éliminer ! Les héros doivent donc recruter de nouveaux assistants ! Ces jeunes recrus découvrent alors rapidement l’envers du décor, ce qui se cache derrière les exploits de ces héros adulés par tous…

Par fredgri, le 16 avril 2019

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Notre avis sur Brat Pack

Quelle incroyable surprise de voir enfin un éditeur français se pencher sur cette mini-série culte de Rick Veitch, qui défraya la chronique à sa sortie. D’autant que sort pratiquement en même temps, chez Urban l’Intégrale de Marshal Law, de Mills et O’Neil !!!

Sorti initialement en 1990, Bratpack est le premier projet de Veitch qui était sensé préfigurer ce qu’il appela le "King Hell Heroica", une série d’histoires racontant sa vision des super-héros, publiée par sa propre boite d’édition King Hell Press ! Toutefois, sur les 6 Graphic Novels planifiés initialement, il n’y aura finalement que Brat Pack (qui correspond au livre 4), la mini série Maximortals (Le livre 1) et deux one shot BratPack/Maximortals (la première moitié du livre 5). Il faudra attendre 2017 pour voir le projet redémarrer avec le one shot Boy Maximortal (le livre 2) !

Tout ça pouvant se lire indépendemment, bien sur.

Le propos de Bratpack est assez simple en soi, il explore la relation qu’entretiennent ces héros avec leur sidekick, ce rêve de puissance qui anime cette volonté de devenir eux même des héros, tout en permettant à Veitch de s’interroger sur l’ambiguïté sexuelle inhérente dans une certaine vision du comics book moderne, dans le rapport des maîtres avec leurs "acolytes" !
Il reprend alors le terme "BratPack" employé pour désigner ces jeunes acteurs américains qui faisaient fureur dans les années 80 (qu’on retrouvait dans Breackfast Club, St Elmo’s fire, Outsiders…) (Qui était lui même une reprise des "Rat Pack" incarné par Frank Sinatra, Dean Martin ou Sammy Davis Junior dans les années 50…) et qui pourrait se traduire par "Bande de sales gosses". Le choix est des plus judicieux, car justement il est bien question d’une bande de jeunes super héros balancée sous les projecteurs, grisés par le succès. Mais c’est aussi le parfait moyen de regarder ce phénomène des sidekick de l’intérieur, de voir comment ils se font broyer par l’engrenage jusqu’à devenir une réplique parfaitement digérée de leur prédécesseur.

Évidemment, Veitch n’y va pas par le dos de la cuillère, c’est violent, très irrévérencieux et souvent assez extrême. Toutefois, ces excès ont aussi l’avantage de parler très franchement d’une industrie qui alimente l’ambiguïté avec des héros qui véhiculent souvent des imageries discutables. Tout est bien sur plus subtile que ce que dépeint Veitch, néanmoins il soulève tout un tas de questions fascinantes sur l’état des comics book du "modern age". Mais à l’orée des années 90, il s’inscrit surtout dans la même remise en question que Watchmen, Dark Knight (DC), Miracleman (Eclipse), New Statesmen (Fleetway) ou la mini-série qu’il produisit lui même en 85: "The One"… Cette génération d’auteurs révisionnistes qui décide de prendre du recul par rapport à l’histoire, ces héros et cette industrie, ou l’image du héros a évolué, son impact sur la société, le merchandising, le "spectacle"… Nous entrons alors dans une nouvelle phase plus adulte, plus cynique. Une phase qui va ensuite amener à la création de Vertigo, par exemple !

Veitch, à cette époque, sort d’un conflit avec DC qui lui a refusé un script très ambitieux sur Swamp Thing. En parallèle, il y a la fameuse polémique autour de la mort du second Robin, ou DC a lancé un sondage téléphonique pour savoir si oui ou non le personnage devait mourir. Les lecteurs se sont alors largement prononcé pour l’élimination pure et simple du jeune héros… Résolu à prendre sa revanche sur ce petit monde éditorial et dénoncer une certaine dérive, Veitch se lance sur Bratpack. Avec ses amis Kevin Eastman, Peter Laid, Steve Bissette, Dave Sim et Gerhard il créé King Hell Press, ce qui va lui permettre de réaliser son projet en toute liberté !

Le scénario de Bratpack est astucieux, quoique très vite focalisé sur le concept seul, plutôt que sur le développement d’une véritable histoire, ou des personnages. Cela reste intéressant, car sans concession. A aucun moment l’artiste ne va s’éloigner de son propos, résumant la relation de ces héros avec leur jeune acolyte comme un jeu malsain de domination, souvent prétexte à défouloir et autres humiliations. Évidemment, c’est du raccourcis quelque peu expéditif, on le devine rapidement, d’autant qu’il y a aussi beaucoup d’amertume dans la démarche… Mais cette vision reste très pertinente, elle soulève d’autres questions sur les éditeurs eux même, sur les ressorts de cette industrie qui s’alimente de tout ces cauchemars, de ces fantasmes exultoires !

Bratpack est ainsi à prendre avec des pincettes, car comme souvent avec ce genre de projet, cela manque sérieusement de subtilité !
En tout cas, Veitch est en pleine forme, tant scénaristiquement parlant que sur le plan du graphisme ! Son noir et blanc teinté de lavis est absolument magnifique, avec un gros travail sur les expressions !
De plus, il faut rajouter que cette superbe édition bénéficie d’une excellente traduction, ainsi que d’un dossier assez conséquent ou Veitch revient sur le contexte qui a amené à la création de BratPack, tandis que Virgil Iscan fait le point sur la carrière de Veitch !

Bratpack est encore aujourd’hui considéré comme un classique de la contre culture en matière de comics, ses rééditions successives (qui ont permis aussi à Veitch de rajouter des planches, de préciser la fin…) ont toujours très bien marché. Et avec le recul que l’on peut prendre, quelques 30 ans après sa parution on ne peut que se rendre compte combien le propos reste toujours et encore d’actualité !

Maintenant que Delirium nous offre la possibilité de redécouvrir ce "chef d’œuvre incandescent", croisons les doigts pour que d’une part nous ayons un volume Maximortal, mais surtout que Veitch finisse enfin son ambitieux projet !

Wait and see !

Vivement recommandé !

Par FredGri, le 16 avril 2019

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