Interview
Jordi LAFEBRE, dessinateur de LYDIE chez DARGAUD
Sceneario.com : Bonjour Jordi,
En avril dernier, est publié aux éditions Dargaud ton premier grand album cosigné avec Zidrou, Lydie. Superbe ouvrage tout en sensibilité, il fait apparaître, à sa sortie, un nom d’auteur que le lecteur ne connaît pas encore. Qui se cache derrière Jordi Lafebre et comment est-il parvenu à ce niveau d’excellence ?
Jordi Lafebre : D’abord, merci pour tes compliments. J’ai toujours voulu faire des BD quand j’étais petit. Quand l’album Lydie imprimé est arrivé chez moi, cela a vraiment été un moment très spécial. Le niveau d’excellence ? Merci mais… il me reste encore beaucoup à apprendre !
Sceneario.com : Dès le départ de ta carrière d’artiste, on a le sentiment que tu frappes fort et bien, en travaillant sur cette fiction émouvante qu’est Lydie. Comment as-tu pu, toi le Barcelonais débutant, être associé au sympathique Belge aguerri Zidrou ?
Jordi Lafebre : Zidrou habite dans le midi espagnol. Il a vu mon travail dans un magasin pour enfants et il m’a contacté. Je lui en serai reconnaissant toute ma vie ! Le jour où nous nous sommes rencontrés à Barcelone, nous avons décidé de préparer un projet ensemble, juste le temps de prendre un coca.
Sceneario.com : Quel a été réellement votre manière de travailler ? Est-ce que Zidrou te laissait les coudées franches ou conservait-il un œil très critique et proche vis-à-vis de ton travail ?
Jordi Lafebre : Zidrou a écrit le scénario complet. Je l’ai lu et pendant la réalisation de l’album, je lui montrais mon travail au fur et à mesure et on discutait des éventuelles modifications à apporter. Tout cela était très facile, très fluide.
Sceneario.com : Le jeu que jouent les "moustachus" de la rue du Baron Van Dick semble être une sorte d’hymne à l’humanité, au respect de la personne et de ses différences, à la pluralité d’expressions, à la sociabilité, à la tolérance, à l’amour de son prochain… Quel est le message que, personnellement, tu retiens de leur façon de faire vis-à-vis de Camille et de l’album en général ?
Jordi Lafebre : J’ai grandi dans un quartier à Barcelone où tout le monde se connaissait. Je voulais rendre un petit hommage aux gens de ma rue. On n’est pas seuls dans ce monde, je suis heureux de vivre entouré d’autres personnes.
Sceneario.com : Aurais-tu aimer vivre dans la rue du Baron Van Dick ? Crois-tu qu’il est possible de trouver de nos jours une rue avec les mêmes ambiances fraternelles et complices ?
Jordi Lafebre : Mon quartier est un bon exemple : il a complètement changé, et aujourd’hui, il est difficile de trouver quelqu’un qui s’arrête pour discuter. Pour retrouver ça, on doit d’aller vivre dans un petit village.
Sceneario.com : Considérant que le récit joue sur deux tableaux apparents, l’émotivité due au drame et l’humour délicieux, n’avez-vous pas éprouvé, le scénariste et toi-même, quelques difficultés à faire la jonction entre les deux ?
Jordi Lafebre : Oui, c’était une des difficultés et un des défis de l’album. Et parvenir à l’équilibre était l’unique manière pour que cela fonctionne, selon moi.
Sceneario.com : Le style graphique que tu emploies dans Lydie est plein de douceur, attachant. Est-ce réellement ton style ou, pour les besoins de cet album, as-tu été obligé de l’adapter pour donner le résultat qu’on lui connaît ?
Jordi Lafebre : D’abord, j’avais plusieurs idées, mais pendant la réalisation, c’est l’histoire, son ton, qui m’a dit où aller et où m’arrêter. Je viens du dessin pour enfants et d’humour, et tout cela a été une jolie expérience.
Sceneario.com : Comment as-tu travaillé la physionomie, les expressions de tes personnages ? Est-ce d’après des personnalités réelles ou les as-tu modelées selon ton imagination ?
Jordi Lafebre : Quand je commence à dessiner un personnage, je ne le connais pas. C’est petit à petit qu’il prend forme. Parfois je le dessine trois, sept fois, jusqu’à ce que je me dise : oui, c’est lui !
Sceneario.com : Au niveau colorisation, tu utilises avec brio des tons non violents afin de bien camper la période durant laquelle se déroule la fiction. Comment as-tu procédé à leur choix ?
Jordi Lafebre : C’est arrivé de manière très fluide, de manière très naturelle. Le jour où je me lance dans les couleurs, c’est la fête ! La musique, les personnages… l’ambiance grandit d’elle-même.
Quand je dessine, je pense, je réfléchis beaucoup (trop parfois !), mais avec les couleurs, c’est comme un jeu. C’est une vraie détente.
Sceneario.com : Quels sont les auteurs ou les œuvres qui t’inspirent ?
Jordi Lafebre : Giraud, Boucq, Uderzo, Franquin… il y a des dizaines de maîtres qui m’inspirent ! Faire des BD, c’est un métier où on apprend tous les jours.
Sceneario.com : As-tu d’autres projets dans les cartons ? Si oui, peux-tu nous en exposer quelques bribes ? Une autre association avec Zidrou ?
Jordi Lafebre : Oui, je travaille sur mon prochain projet, toujours avec Zidrou et chez Dargaud. Mais il est encore à l’état embryonnaire.