Interview
Magali Le Huche : Dans ce métier, l’éditeur, c’est le guide
Magali Le Huche : " dans ce métier, l’éditeur, c’est le guide "
L’illustratrice Magali Le Huche s’attaque à la BD et adapte un roman de Marie Desplechin en trois tomes. Le premier, Verte, est sorti aux éditions Rue de Sèvres au printemps 2017. Deux autres sont d’ores et déjà programmés. Rencontre au FIBD 2018 avec une auteure occupée.
Sceneario : Bonjour Magali, nous vous connaissons pour vos nombreux travaux en illustration jeunesse, notamment le joli succès de librairie, Paco (20 000 exemplaires de Paco et la musique africaine auraient été vendus en 2017, ndlr), des livres sonores qui présentent différents univers musicaux aux enfants. Comment ce personnage est-il né ?
Magali Le Huche : Paco est une collection chez Gallimard sur laquelle j’ai plaisir à travailler. A la base, j’ai eu carte blanche pour inventer un personnage qui puisse déambuler et vivre des aventures musicales variées. C’est comme cela que le chien Paco est né. Ma contrainte est maintenant de produire deux livres par an.
Sceneario : Comment travaillez-vous sur ces livres jeunesse ?
Magali Le Huche : Mon éditrice, Claire Babin, m’envoie des sons et une trame possible de l’histoire. Je module le contenu comme je veux et je trouve des sons complémentaires, comme par exemple les souris qui accompagnent Paco de manière récurrente dans ses aventures. Vient ensuite un travail particulier, puisqu’il s’agit de décider de l’emplacement des puces qui seront alors commandées et produites en nombre avant l’impression. Pour mieux m’imprégner de l’ambiance sonore, j’écoute les morceaux en boucle. Pour Paco en Afrique, j’ai écouté la sanza et l’oud pendant deux mois tout en dessinant. J’ai hâte de travailler sur les prochains, peut-être un Paco Hip Hop et du Gershwin, ce serait bien.
Sceneario : Pour Verte, le roman que vous avez adapté, vous avez changé d’exercice en passant de l’illustration jeunesse à la bande dessinée. Que représente la BD pour vous ?
MLH : J’ai toujours eu une image très admirative de la BD, de son pouvoir d’emporter le lecteur dans un autre univers. Ce sont mes impressions de lecteur quand j’étais enfant et elles m’ont toujours guidé depuis mes débuts dans ce métier, pendant les 10 ans où j’ai travaillé en atelier et même maintenant où je travaille seule dans mon atelier parisien.
Sceneario : Est-ce que l’adaptation de cette histoire a été difficile à mener ?
MLH : Je connaissais le roman paru 20 ans auparavant, à l’Ecole des loisirs, et cela faisait un moment que je voulais l’adapter. Une inconnue demeurait : je ne savais pas si je saurai le scénariser. J’ai mis un an avant de m’y mettre. Je n’y arrivais pas. Je procrastinais.
J’ai eu la chance d’avoir une éditrice à mes côtés, Charlotte Moundlic (éditrice chez Rue de Sèvres et également auteur jeunesse à l’Ecole des loisirs, ndlr), qui m’a aidé à franchir l’obstacle. Elle a été moteur dans cette aventure, ma première lectrice. Elle a eu la vision que ça irait et me l’a répété. Elle m’a permis de dépasser les difficultés.
L’auteure du roman, Marie Desplechin, m’a elle aussi beaucoup aidé. Je l’adore. Elle m’a fait confiance. Simplement. Elle n’a jamais été intrusive, ni inquiète à aucun moment. Elle m’a accompagné, m’a dit qu’elle était là si j’avais besoin. Et moi, avec mon admiration de son univers, je me suis jetée dedans.
Sceneario : Qu’est-ce qui vous a particulièrement plu dans cette œuvre ?
MLH : Les thèmes, la relation mère-fille, la relation père-fille, qui traversent son œuvre me parlent intimement. Et puis, raconter ce " nowhereland " entre enfance et adulte, quand le corps change, que les règles apparaissent, les formes, quand ce corps qui se féminise nous échappe… Il y a dans le sous-texte de cette histoire de magie et de sorcellerie une intelligence folle qui explique toutes ses transformations. Et le tout, en étant drôle !
Sceneario : Verte constitue le premier tome d’une trilogie à venir ?
MLH : C’est exact. Verte est sortie au printemps 2017 et Rue de Sèvres, l’éditeur, a déjà arrêté les échéances suivantes : Pome est prévue en octobre 2018 et Mauve en 2019, si tout va bien. Je dois déjà finir le deuxième tome pour août prochain… j’ai du travail devant moi. Mais cela est hyper motivant.
Sceneario : Vous avez d’autres projets BD à venir ?
MLH : J’ai envie d’écrire pour des projets adulte. J’ai d’ailleurs une histoire en cours d’écriture sur la phobie scolaire, du temps de mon collège où j’étais seule chez moi avec mes cours du CNED et où mes seuls camarades de classe s’appelaient les Beatles. Là encore, mon éditeur relit mes pages au fur et à mesure et me coache. Dans ce métier, l’éditeur, c’est le guide.