Interview
SERIAL KILLERS nouvelle collection chez Glénat
Aubert pour Sceneario.com: Jean-David, comment êtes-vous arrivé sur cette nouvelle collection chez Glénat ? Qui a proposé ce thème ? Vous, Stéphane Bourgoin ou votre Editeur ?
Jean-David MORVAN: Je suis un enfant des serial killers, même si ça parait bizarre à dire. A 12 ans, j’ai lu Dragon Rouge, le livre de Thomas Harris qui précède le Silence des Agneaux. Après, et pendant des années, il n’y avait que des histoires de serial killer, tout le temps, partout : Cinéma, romans etc. Y’en avait qui étaient passionnantes, mais au bout d’un moment, c’était lassant. Il y avait toujours des scènes gores, d’autopsies. Je m’en suis un peu lassé. Un jour, Séverine Tréfouël, avec qui je travaille sur divers projet, m’a parlé de ça, en me disant que cet aspect psychologique des serial killers était très intéressant, avec une approche différente des gens par rapport à ma génération, même si nous n’avons pas tant d’années de ça de différence. Mais ça suffit pour avoir un nouveau regard posé sur ces serial killers, grâce à Stéphane Bourgoin. Séverine m’a proposé de faire une collection sur ce sujet, mais je ne voulais pas qu’on rentre dans la fascination, car ces gens ne me fascinent pas du tout. J’ai écrit à Stéphane sur sa page Facebook. Christelle, sa compagne et associée m’a répondu tout de suite et c’est comme ça que nous avons commencé à collaborer. Je pense qu’il a été intéressé par l’approche psychologique plutôt que par le coté gore.
Aubert pour Sceneario.com: Comment on été choisies les histoires, les sujets ? Leur réputation ? Leurs intérêts ? La connaissance du public ?
Jean-David MORVAN: ll y a eu un peu de tout ça en même temps. En fait, c’était intéressant d’avoir Bundy, car c’est le grand modèle, on va dire, même si chez nous on a quand même Petiot, Landru… Mais Bundy c’est le serial killer global, c’est pas pour rien qu’il est sur Netflix, c’est la grande figure.
Fourniret c’était important dès le début, car je ne voulais pas montrer que l’on ne faisait que de l’ "exotique", si je peux m’exprimer ainsi. En tout cas, on n’était pas inféodé aux américains, il y avait un certain courage de parler d’un sujet actuel de chez nous surement plus difficile, et d’ailleurs je ne m’en cache pas, celà a été plus difficile d’écrire Fourniret que Bundy.
C’était intéressant de se dire que si on allait du coté psychologique on pouvait parler des gens de chez nous et qu’on ne se cachait pas derrières les États-Unis, tout le temps. C’est un peu comme ça qu’on a fait une première liste, avec Shaefer, Guy Georges…. des anciens comme Albert Fish qui représente tout ce qu’est un serial killer, au début du XXe siècle. Je pense que lui, il a tous les vices réunis, et c’est assez passionnant. Je suis en train de travailler sur HH Holmes, qui est encore un serial killer plus proche de Petiot, d’une certaine manière, car il tue pour de l’argent, chez lui. Il y a vraiment plein de typologies qui sont vraiment intéressantes à décrypter. Et c’est finalement ça le but de cette collection : comprendre pourquoi ils sont des serial killers et nous pas, et de se demander si on aurait pu être nous-mêmes des serial killers… C’est sur ce sujet de fond qu’on travaille tout le temps.
Aubert pour Sceneario.com: Connaissais tu ces serials killers?
Jean-David MORVAN: Oui j’en connaissais la majorité, mais c’est vrai qu’en entrant dans le sujet j’en découvre d’autres. Découvrir des gens c’est pas très important, ce qui est le plus important ce sont les différents types de serial killers. Comment ils fonctionnent et comment ils le deviennent. Parce que c’est quelque chose de très complexe. Comme le dit Ted Bundy, c’est facile de regarder à rebours comment on est devenu un serial killer, mais est-ce que ça explique vraiment pourquoi on l’est devenu ? C’est autre chose, car il y a forcément des éléments cachés.
Aubert pour Sceneario.com: Avez vous attaqué les albums un par un, ou avez vous pris de front toutes les histoires?
Jean-David MORVAN: J’ai un peu tout pris en masse pour essayer de trouver un concept. Ce concept, c’est de prendre comme personne central un homme qui est issu d’une famille qui a interviewé beaucoup de serial killers depuis le 16° siècle, et de le mettre en scène quand il réalise des interviews. C’est quelqu’un qui va se mettre en face d’un tueur et lui parler. C’est un jeu de double manipulation, le serial killer essayant de manipuler son interlocuteur et l’interlocuteur essayant de manipuler le serial killer pour lui faire dire des choses qu’il n’aurait pas dit à d’autres, pour essayer de faire avancer soit l’enquête soit essayer de comprendre un peu mieux ce qui fait que cette personne est devenue serial killer. Donc c’est important de les traiter un par un, car chaque parcours est différent… Comme le dit Stéphane, il y a un nom générique pour Serial Killer, mais il n’y en a aucun qui ressemble à un autre. En même temps, il faut essayer d’avoir une vision globale de la chose et trouver des points communs, en tout cas des lignes directrices qui nous permettront de mieux cerner les serial killer. C’est comme une analyse médicale, c’est à dire qu’on essaye de definir les symptômes communs.
Aubert pour Sceneario.com: Comment avez vous travaillé avec Stéphane Bourgoin ? Plutôt les mains libre à l’écriture avec des « corrections », « apports supplémentaires » ? Vous êtes-vous montré votre travail au fur et à mesure ?
Jean-David MORVAN:J’ai lu les livres de Stéphane, il m’a envoyé des photos, des textes et après j’ai pioché un peu partout dans ce que je trouvais pour essayer de faire une sorte de bible sur chaque tueur dans chaque scénario. Pour avoir des éléments deci delà qui apparaissent dans des livres, des essais, sur internet, et avoir les choses les plus crédibles et les agréger pour les mettre toutes ensembles. Je cherchais à avoir tous les éléments possibles pour comprendre. J’ai essayé de raconter tout ça d’une manière compacte. Le discours entre les deux personnages me permet de passer vite sur certains évènements. Ce sont des romans graphiques de 120 pages, c’est énorme et en même temps ce n’est pas tant que ça… Alors, il faut être synthétique, tout en donnant une tension permanente à l’histoire. C’est un exercice compliqué, mais intéressant. Stéphane a fait les dossiers qui suivent les pages de BD avec Séverine. C’est plus leur partie, avec des éléments assez concrets, factuels. J’avais cette idée d’avoir, dans chaque album, la même structure afin que le lecteur s’y retrouve facilement. Pour pouvoir comparer les différences entre chaque tueurs.
Aubert pour Sceneario.com : Comment s’est déroulé le choix des illustrateurs ?
Jean-David MORVAN: Avec des copains… à l’Atelier The Tribe.. ou des fois à l’extérieur de l’atelier… Comme il y a beaucoup de pages, pour moi il fallait faire des équipes pour que chaque album ne s’éternise pas sur plusieurs années, tout en ayant un visuel différent entre chaque album. Je veux que ça soit beau, et efficace. Narrativement, c’est hyper important, on a choisi une même structure de pages en gaufrier dans lesquels on peut joindre certaine case. Ça offre un aspect global à la collection. Il faut que ça soit facile à lire aussi pour des non-lecteurs de bande dessinée. On pourrait s’amuser à faire des effets visuels, mais j’ai demandé aux dessinateurs de pas le faire, car on raconte des histoires réalistes, il n’y a donc pas besoin de rajouter des choses, c’est suffisamment fort comme ça. On est dans une sorte d’épure, et ça n’est pas évident de mettre en scène des interviews, deux gars en face l’un de l’autre, ce pas facile à mettre en scène graphiquement, et c’est là qu’il faut des professionnels, pour rendre ça palpitant et que le lecteur ne s’ennuie.
C’est toujours un petit challenge… mais ça servirait à rien de faire des BDs si c’était facile.
Aubert pour Sceneario.com: Deux opus viennent de paraitre… Comment vous sentez vous psychologiquement après ces écritures ?
Jean-David MORVAN: Aucun problème. En fait j’essaye de comprendre, j’entre dans la tête des gens d’une manière extérieure. Je viens de finir une série sur Irena Sendlerowa, qui a sauvé 2500 enfants du ghetto de Varsovie, c’est un personnage fondamentalement bon. Et pourtant, pour moi, c’est à peu près la même chose que de travailler sur le mal absolu. C’est plus agréable de faire Irena, bien sûr. Mais ma démarche est la même : J’essaie de comprendre comment ça fonctionne dans leur tête. Comme Stanley Greene, un photographe très intéressant lui aussi, qui va sortir chez Delcourt bientôt. J’essaye de trouver la substantifique moelle du personnage, donc ça ne m’atteint pas psychologiquement. J’essaye de comprendre, de ne pas devenir le personnage. Je le regarde de l’extérieur pour voir ce qu’il a à l’intérieur. C’est mon travail, et j’aime bien faire ça. À priori, je ne me laisse pas atteindre par ça. J’ai quand même laissé un peu de temps après avoir terminé le Fourniret, pour reposer un peu l’esprit, j’avoue…
Aubert pour Sceneario.com: Quatre opus sont pour le moment prévus, a n’en pas douter d’autres suivront… vous savez déjà sur quels sérial killers ?
Jean-David MORVAN: Oui, on a signé plusieurs projets. Les suivants sont Shaefer et Kemper, mais on travaille en même temps sur Guy Georges, j’ai commencé à écrire sur BTK et HH Holmes qu’on voit dans MindHunter (série excellente qui est diffusée sur Netflix, note de Sceneario.com). C’est un peu ça qu’on essaye de faire : la partie interview que je trouve passionnante dans la série. En revanche, le reste de la série m’intéresse peu. Les enquêteurs son falots et peu crédibles. Ill vaut mieux lire le livre du même tire de John E. Douglas, dont la série est inspirée.
Il y a donc plusieurs albums en préparation, et c’est très intéressant, car ça créé des ponts, et on essaye aussi de rendre compte l’époque, du "niveau technologique" de la police et des enquêtes à ce moment-là. Travailler sur plusieurs tueurs, c’est très intéressant, ça permet les comparaisons.
Aubert pour Sceneario.com: Quel est votre programme pour les mois à venir…?
Jean-David MORVAN: Comme tout le monde en ce moment… rester à la maison….
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