110 pilules et autres envoûtements

Malgré une production extrêmement foisonnante, une multitude d’ambiances, allant de l’humour au polar, en passant par l’érotisme le plus torride au western, Magnus reste peut-être l’un des grands oubliés dans l’édition française, bien qu’il soit reconnu par ses pairs comme un des maîtres de la BD.

Avec cette volonté de réhabiliter cet artiste, les éditions Delcourt, et plus particulièrement la collection Erotix, entreprend donc ici de rassembler dans ce volume, ses deux chefs d’œuvre érotiques « Les 110 pilules » et « Femmes envoûtées » qui nous montrent la précision de son travail et son habileté à glisser des scènes plus ou moins explicites au cœur de scénario très construits. Démontrant ainsi, à tous ceux qui pourraient faire l’erreur de résumer ces albums sous l’étiquette de « BD de cul » que bien au contraire, ici, le sexe est davantage là pour accompagner une histoire et non le contraire.
Car si Magnus n’hésite pas à montrer des fellations ou des pénétrations, il met la même précision dans des scènes plus dures, dans les décors, dans les expressions… Cette liberté s’exprime à toutes les étapes de la réalisation des planches.
Et c’est même assez surprenant de voir qu’il y a finalement qu’assez peu de scènes de « sexe » dans ce volume assez conséquent.

Ce qui nous permet d’apprécier pleinement la beauté du travail de Magnus et cet art de la mise en scène, de même que cette préciosité dans les dialogues. Finalement, on redécouvre avant tout un grand auteur qui dépasse les étiquettes, qui se libère des codes et des conventions.
Peut-être qu’après l’éblouissante maestria des deux premières parties, Milady 3000 apparait plus brouillon, moins incroyablement fantastique, mais je pense aussi qu’il s’agit d’un autre registre. Milady 3000 s’inscrit quelque peu dans la continuité des feuilletons que produisit Magnus en amont. Un scénario peut-être moins « fignolé », mais plus enclin à nous captiver par ses rebondissements, son rythme et l’expressivité de ses personnages. Au final, on se laisse facilement prendre au jeu de cette lecture.

On ressort de ce volume encore estomaqué par la virtuosité du maître, bien conscient d’avoir certainement lu ses meilleures planches.
Un album qui permet de rétablir un peu la balance, la reconnaissance d’un génie.

Vivement recommandé.

Par FredGri, le 4 novembre 2023