1984

Suite à une guerre nucléaire, le Parti et Big Brother règnent sur l’Océania. Winston Smith va prendre le risque de rentrer en résistance dans cette société totalitaire, en rencontrant Julia.

Par v-degache, le 23 décembre 2020

Notre avis sur 1984

2020 marque l’entrée dans le domaine public du livre culte du Britannique George Orwell, 1984, publié en 1949. Les éditions du Rocher sautent, comme plusieurs autres, sur l’occasion et proposent leur adaptation de cette fameuse dystopie.
Sybille Titeux de la Croix signe le scénario, Ameziane Hammouche (aka Amazing Ameziane) les dessins. Le duo a déjà été réuni pour le meilleur lors, entre autres, de L’atelier des gueules cassées (Marabout, 2018), Muhammad Ali (Le Lombard, 2015), ou Miss Davis (Le Rocher, 2020).

On retrouve bien sûr tous les ingrédients du livre initial, aujourd’hui entrés dans la culture populaire ! Big Brother, néo-langue, télécrans, 2+2=5, Minitrue, etc… sont repris par l’adaptation. Les auteurs font délibérément et clairement le choix du parallèle avec le totalitarisme soviétique, auquel Orwell a lui-même été confronté lors de la Guerre d’Espagne au sein du POUM.
Big Brother porte les moustaches de Staline, l’architecture et les affiches de propagande, auxquelles A. Hammouche accorde une importance toute particulière, évoquent cette période soviétique. Ainsi, des planches entières donnent la part belle à cette imagerie totalitaire, l’auteur se posant même en fin d’ouvrage en vexillologue d’Océania !

Le soin graphique accordé à l’adaptation apparaît dès la couverture représentant superbement un Big Brother inquiétant. L’influence cinématographique des séquences est une évidence. Le début de la BD est marqué par la verticalité de ces bâtiments futuristes à l’inspiration stalinienne, mais aussi par celle du pouvoir du Parti qui chapeaute en bon régime totalitaire tous les aspects de la vie des habitants et tente d’en modifier les esprits.
Le traitement du dessin lors de la découverte de l’appartement de Winston en plongée verticale renforce cette impression de surveillance constante, provoquant une sensation de vertige devant ces hommes et femmes écrasés par la main mise du régime policier jusque dans leur intimité.
La dominante bleu-beige des couleurs accroit cette atmosphère oppressante, froide et glaciale d’une société où la novlangue (la scénariste utilise le terme de « néo-langue » pour qualifier le « newspeak » d’Orwell, délaissant la traduction réductrice de Josée Kamoun en « néoparler ») limite même les champs de la pensée et de l’expression écrite et orale.

Le rythme de la narration est alerte, les scènes d’amour et de sexe sont ardentes tout autant que désespérées. L’utilisation d’ombres chinoises pour les corps dans une partie de celles-ci semble parfois quelque peu exagérées. Il faut dire que les choix graphiques pour camper les personnages principaux sont particulièrement réussis, arrivant à rendre ceux-ci attachants, tout en les laissant dans une certaine banalité comme simples rouages d’une machine totalitaire.

La dernière partie de l’ouvrage passe au noir et blanc, choix imparable et efficace pour cerner les tréfonds de l’âme humaine. On finit cette adaptation de 1984 avec l’envie de lire ou relire Orwell.

Le 1984 de S. Titeux de la Croix et A. Hammouche est une réussite narrative et graphique, restituant avec talent et force l’ouvrage magistral et glacial de Orwell.
De vrais choix d’auteurs évitent l’écueil de la simple « mise en image » d’un chef-d’œuvre littéraire.
La barre est haute pour les prochains qui tenteront l’adaptation !

Par V. DEGACHE, le 23 décembre 2020

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