A bas les hommes-pigeons !

Jean et Paul vivent dans un monde à problèmes où le bouc émissaire tout trouvé est l’homme-pigeon, ce satané volatile laid et vecteur de maladies, dont l’extermination va heureusement bientôt être légalisée.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’une fois ces fameux hommes-pigeons mis hors d’état de nuire, les problèmes qu’on leur collait sur le dos ont continué ! A la télé, le remplaçant au poste de nuisible est alors vite désigné : c’est l’homme-chien, un fléau d’autant plus pernicieux qu’il est difficilement détectable tant qu’il n’a pas complètement muté.

Quelle horreur, alors, pour Jean : sous les yeux de Paul et d’autres, il va se révéler être un de ces hommes-chiens !!! Raflé, traité, assagi par les forces de l’ordre et les pouvoirs publics, il va finir joli petit toutou dans une famille adoptive. Seulement, il n’acceptera pas sa condition et s’enfuira. C’est en retrouvant par hasard son ami Jean qu’il va réapprendre à être un homme comme il faut, et c’est lors de cet apprentissage que lui et Paul vont être repérés par un producteur qui va utiliser leur histoire et leur image pour la servir au grand public qui semble-t-il a besoin d’être endormi pour se croire heureux…
 

Par sylvestre, le 21 juin 2010

Notre avis sur A bas les hommes-pigeons !

Notre société a bien des travers, et en quelques énormes raccourcis, Loïc Saulin et Jérôme Farrugia en pointent certains du doigt dans cette bande dessinée originale. Jean et Paul sont en effet dans leur monde les bien pensants, les gens bien intentionnés, et forcément, ils ont raison lorsqu’ils s’accordent à dire que « l’autre » est coupable de tous leurs maux. Il y a un peu "du bruit et de l’odeur", là-dedans, et l’homme-pigeon (sacrée créature, vous en conviendrez !), est un symbole bien trouvé pour représenter tout cela !

Mais là où ça se gâte, c’est quand l’arroseur est arrosé, et que de modèles, les héros Jean et Paul tournent indésirables. Le premier devient un homme-chien : il est le parasite nouveau, celui qui ne répond plus aux nouveaux critères positifs que la société accepte. Et l’autre, sans subir le même sort que celui de son ami, devient SDF ; contre-promotion, s’il en est…

Il y a pourtant de l’espoir, dans ce drame. Et l’amitié indéfectible de Paul pour Jean les remet sur les rails, poussés – il est vrai aussi – par la chance d’avoir croisé le chemin d’un producteur qui a vu en eux de quoi se faire du blé. Et c’est là où après avoir dressé un portrait au vitriol de la société, les auteurs passent leurs nerfs sur l’univers des média pompe-cervelle en fustigeant ceux qui les gèrent, ceux qui en profitent quitte à ne plus être eux-mêmes et ceux qui en sont consommateurs.

C’est avec un dessin torturé, peu lisse, et un poil "sale" que cette bande dessinée est réalisée ; avec des visages caricaturaux (rappelant ceux des personnages de Dikeuss) qui donnent à tous les protagonistes, bons et pourris, le même aspect laid, perfectible, opposable à celui qu’ambitionne la "bradisation" (!!!) présentée comme le nec plus ultra, l’aboutissement…

Quelques planches sont un peu trop sombres, celles des scènes nocturnes. C’est dommage parce qu’elles en sont moins lisibles graphiquement. D’autres scènes surprennent au contraire par leur paradoxale légèreté, et notamment celle de l’envol des hommes-pigeons et de leur nonchalant atterrissage un peu plus loin sur un autre toit. Il y a de la grâce dans cette séquence alors que les hommes-pigeons sont quand même représentés bien ignobles, grassouillets, obscènes…

Original brûlot ne s’embêtant pas des codes imposés par la dictature de l’esthétique et usant d’inconvenances pour servir ses thèmes, A bas les hommes-pigeons ! fait rire jaune : si les pigeons engraissent, c’est bien parce qu’on les nourrit…
 

Par Sylvestre, le 21 juin 2010

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