A l'Ombre des Tours Mortes
Depuis la chute des tours jumelles du World Trade Center, Art Spiegelman s’est rendu compte à quel point il aimait sa ville.
Même si quotidiennement pendant des années, il a pesté contre elle.
Pendant ces 3 années qui ont suivi les attentats du 11 septembre, il a essayé d’extérioriser ce qu’il avait ressenti ce jour-là, les angoisses qui en sont nées… au travers de personnages typiques de la BD américaine.
Par PATATRAK, le 1 janvier 2001
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Sortie :
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ISBN :
0375423079
Notre avis sur A l’Ombre des Tours Mortes
J’ai beaucoup hésité à lire cet ouvrage, non par peur de le trouver mauvais ou fastidieux, mais en premier lieu parce que je ne connais pas tous ces personnages que met en scène Art Spiegelman au milieu de ses propres aventures. Peut-être représentent-ils une certaine symbolique qui appuie encore plus le propos de l’auteur ?
Ensuite, depuis ce triste jour de 2001, tout a été dit, rabâché, déformé sur le 11 septembre (car c’est bien de ce jour qu’il s’agit). Que pouvait bien apporter un tel ouvrage à un petit lecteur de France comme moi ?
Enfin, « A l’ombre des Tours Mortes » n’est pas un ouvrage évident à lire : par sa mise en page (une vingtaine de planches à lire verticalement…dans le sens de la largeur !), par la densité du texte et des explications, par le dessin aussi, volontairement emprunté aux années de la grande dépression, il demande au lecteur un effort.
Ce fut en tout cas le sens de ma démarche : je n’ai jamais voulu lire « Maus » parce que les dessins me faisaient peur, me mettaient mal à l’aise. Peut-être parce que le sujet me touche plus (j’ai « vécu » le 11 septembre et ses conséquences), la curiosité d’avoir le point de vue d’Art Spiegelman l’emporta.
Bien m’en pris.
Car c’est une œuvre très forte et profondément originale, parce que personnelle. J’ai ressenti très fort combien Art Spiegelman fut touché par ce qui frappa New-York ce jour-là : une catastrophe énorme qui bouleversa la vie de toute une nation, de toute une planète même. Et qu’il tente de ramener à sa propre dimension : Comment lui a vécu ce drame.
On ressent beaucoup de douleur à lire ce que nous dit Spiegelman, sa tristesse, la déstabilisation engendrée, son incompréhension aussi, à tel point qu’il est très difficile de trouver les mots pour exprimer ce qui nous touche. On est délicatement transporté par les mots, les dessins ; on a l’impression d’être là, à côté de lui lorsque c’est arrivé, lorsqu’il a suivi la suite des événements. C’est énorme.
Cette expérience est d’autant plus douloureuse, voire insupportable que Spiegelman ne comprend pas la réaction de son pays, ou plutôt celle de l’administration qui le régit ; et il le montre avec un humour désespéré, acide. Ca m’a vraiment pris aux tripes et dans le même temps j’ai ri jaune.
En effet, Spiegelman n’y va pas avec le dos de la cuiller et pointe sans aucune consession là où ça fait mal : les politiques. Et le camp « Bush » est visé on ne peut plus explicitement. Spiegelman dénonce en fait l’énorme gâchis que le 11 septembre a provoqué, en pertes humaines, certes, mais surtout concernant l’image des Etats-Unis d’Amérique dans le monde. Alors qu’ils avaient l’opportunité unique de fédérer, d’aplanir les distensions mondiales, en fait de profiter de l’élan de sympathie que le monde entier a manifesté à l’Amérique ce jour-là, Bush et ses acolytes (aux yeux de Spiegelman) ont fait tout le contraire !
Dans cette optique, son choix de personnages des années 30-40 s’est finalement révélé judicieux, en tout cas à mon sens : comme pendant ces sombres périodes de dépression et de guerre, l’information est parfois très mal restituée, les populations ont tendance à se replier sur elles-même. Je pense que Spiegelman voulait montrer un lien fort entre cette période difficile que les Etats-Unis d’Amérique ont vécue et celle qu’ils traversent actuellement.
Au final, je suis ressorti de cette lecture profondément bouleversé. Moi aussi, ma vision a singulièrement changé sur l’Amérique. Même si on le sait, même si on s’en doute, on prend réellement conscience qu’il existe encore des gens sensés qui se posent les bonnes questions. Ca donne à réfléchir.
Plus qu’une critique acide de la politique américaine même, c’est surtout une expérience personnelle qu’Art Spiegelman nous invite à partager.
Et il y parvient tout à fait : C’est douloureux, ça fait très mal, on a la nausée parfois… mais c’est un mal nécessaire et guérisseur à mon avis ! Du grand art.
Par PATATRAK, le 20 octobre 2004