À l’arrêt

Sandra travaille en Maison d’arrêt comme intervenante sur des ateliers culturels et artistiques. Dans À l’arrêt, elle raconte cette expérience professionnelle, questionnant également notre société sur ses rapports avec la privation de libertés.

Par v-degache, le 24 août 2023

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2 avis sur À l’arrêt

Sandra Ndiaye raconte dans À l’arrêt son travail quotidien exercé durant environ un an dans une Maison d’arrêt. Elle tente d’y faire rentrer la culture, de donner quelques minutes « d’évasion » aux détenus, en organisant des ateliers artistiques et culturels. Frédéric Debomy, habitué des ouvrages politiques et engagés (Aung San Suu Kyi, rohingya et extrémistes bouddhistes, Les forces de l’ordre…) co-scénarise l’ouvrage avec la jeune femme.   

L’intérêt de cet ouvrage sur le milieu carcéral tient surtout à cette volonté de nous faire pénétrer ce lieu de privation de liberté via ces intervenants qui, chaque jour, tentent de surmonter les multiples obstacles liés à l’institution pénitentiaire, ou à la difficulté même de travailler avec des détenus aux situations parfois très variées, et connaissant pour beaucoup des problèmes de santé mentale ou physique, pour apporter un peu d’humanité à ces gens que la société a mis à l’écart des regards.

L’écriture a le mérite d’appréhender ces interventions par le prisme essentiellement professionnel. On suit S. Ndiaye dans les couloirs de la prison, lors des interventions avec les détenus, ou bien échangeant avec des surveillants aux personnalités variées. Elle ne cherche pas à juger son public, elle tente de mener à bien ses convictions, de finaliser un travail avec des gens qui sont avant tout des êtres humains, malgré le caractère parfois terrible des actes perpétrés. Libre au lecteur de valider cet engagement, ou pas. Quelques pages, alourdissant quelque peu cette plongée en milieu carcéral vue par ceux qui y interviennent sans appartenir au personnel pénitentiaire, tentent une analyse sur les questions morales liées l’enfermement, et les liens entre répression et origine sociale, en s’appuyant notamment sur les écrits du sociologue Didier Fassin (L’Ombre du monde. Une anthropologie de la condition carcérale, Paris, Seuil, 2017).

Soulignons la qualité graphique du dessin de Benjamin Adès (Une histoire du nationalisme corse, Dargaud, 2021) qui rend la lecture de cette BD docu-reportage particulièrement agréable. Trait semi-réaliste et décors épurés, simplicité et efficacité dans la mise en page des planches, rendent la lecture et la déambulation dans ces couloirs jalonnés de portes closes particulièrement agréable.

Découvrez le monde carcéral autrement que les classiques reportages tv en parcourant À l’arrêt, aux éditions Delcourt.

Par V. DEGACHE, le 24 août 2023

Sandra Ndiaye s’est associée à Frédéric Debomy pour écrire le scénario de cette bande dessinée qui retrace une expérience professionnelle bien particulière de la trentenaire. L’autrice raconte, en effet, son travail socio-culturel au sein d’une prison française. Son regard est ainsi différent de celui d’autres professions du milieu carcéral puisque sa mission n’a rien d’un acte contraint, mais s’apparente plutôt à une vocation de distraction et d’intégration.

Nous franchissons, avec elle, les (nombreuses) portes du centre pénitentiaire. Elle nous raconte, bien sûr, son rôle. Toutefois, sa préoccupation première reste de partager avec le lecteur ses réflexions sur la logique carcérale. 

Sandra Ndiaye s’interroge sur le bienfondé d’un certain nombre de décisions, sur l’intérêt de l’enfermement pour une partie des détenus, en s’appuyant sur des cas précis. Cela donne une réelle humanité au livre, même si la place disponible ne permet pas de trop s’attarder sur chaque cas. Cela aurait pu apporter une force supplémentaire au récit, mais le risque aurait probablement été de diluer le message général.

Il ne s’agit pas d’un livre à charge pour l’administration pénitentiaire, mais d’une volonté de faire réfléchir sur notre approche sociétale de la justice ainsi que sur les moyens humains et financiers dédiés aux prisons françaises. L’autrice a ses idées, voire ses idéaux, tout en recherchant l’objectivité, admettant parfois avoir changé de point de vue sur certains aspects du sujet.

Le témoignage est aussi efficace qu’édifiant. Il s’appuie sur les dessins de Benjamin Adès, qui renforcent le propos par un graphisme extrêmement sobre, décharné comme le décor de la prison. De quoi ressortir marqués, comme à l’arrêt, de cette expérience, qui mêle documentaire et réflexion sociologique.

Par Legoffe, le 23 avril 2024

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