A MAINS NUES
1900 - 1921

Jeune femme férue d’art, ayant quitté sa bonne ville de Laon pour s’installer dans la capitale, Suzanne se lasse rapidement des mondanités parisiennes auprès de son médecin de mari. Si la Grande-Bretagne voit au même moment le féminisme s’exprimer avec détermination et violence avec les actions des Suffragettes de Emmeline Pankhurst, il n’en n’est pas de même en France. A la veille de la Grande Guerre, les Françaises restent cantonnées à leur rôle d’épouse…

L’accident de voiture à cheval intervenant au début du récit de ce 1er Tome de A mains nues, superbement mis en scène et en couleurs par Clément Oubrerie (dessins) et Sandra Desmazières (couleurs), sert de détonateur dans l’engagement de Suzanne pour la chirurgie faciale. Les nuits parisiennes font alors tourner la tête de la jeune femme qui connaît pour la première fois une réelle liberté émancipatrice entre ses études, ses virées nocturnes, et ses nuits amoureuses.

Elle va travailler avec le Professeur Morestin, spécialiste en chirurgie réparatrice, alors que sa vie maritale se délite. Elle s’essaie même à la chirurgie esthétique, tandis que le vieux monde va sombrer dans la guerre, l’occasion pour les auteurs de proposer une réflexion philosophique sur le bien fondé d’un pan de la chirurgie qui en est à ses balbutiements.

Ce premier tome (1900-1921) est un plaidoyer féministe dans cette France du début du XXème siècle. Des femmes cherchent une reconnaissance politique, professionnelle et familiale, mais revendiquent également le droit de faire ce qu’elles veulent de leur corps ! Suzanne incarne à elle-seule ce milieu médical, au début de la Grande guerre, qui doit faire face à des blessures nouvelles, causées par l’évolution de l’arment et l’importance prise par l’artillerie. Les corps et les faces sont marqués comme jamais, Slimani & Oubrerie font de leur héroïne une réparatrice de ces hommes meurtris dans leur chair et dans leur âme, une pasionaria des Gueules cassées.

Finement scénarisé par Leïla Slimani qui réussit à proposer une vision engagée de la femme au XXème siècle sans délaisser les autres enjeux du récit, et talentueusement dessiné par un Clément Oubrerie dont les planches recréent avec succès la France de la Belle époque, ce premier tome de A mains nues propose une biographie réussie de ce riche personnage que fut Suzanne Noël.

Par V. DEGACHE, le 9 décembre 2020