Absolute Watchmen

(Watchmen 1 à 12 plus 50 pages de bonus)
1986-1987, la monumentale maxi série Watchmen arrive chez DC. Le scénariste Alan Moore et le dessinateur Dave Gibbons explorent le mythe du héros, du temps qui passe…
Un politicien est défenestré de chez lui par un mystérieux agresseur. Une fois la nuit arrivée, l’étrange vigilante, Rorshach, arrive sur place pour en savoir plus, il finit par découvrir que derrière cette figure publique se cachait en fait son ancien camarade des Minutemen, le Comédien. Qui a bien pu le tuer ainsi ? Rorshach va donc enquêter et  à travers les pistes et les indices qu’il rassemble va se dessiner toute l’histoire d’une Amérique qui un jour, eu quelques super-héros qui l’aidèrent à gagner le Vietnam et permirrent ainsi à Nixon de rester au pouvoir ! Ils s’appelaient donc les Minutemen puis les Watchmen…

Par fredgri, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Absolute Watchmen

Près de 20 ans après la publication de ce chef d’oeuvre absolu DC décide enfin de rééditer l’ensemble des 12 numéros mais augmenté de 50 pages en bonus, des croquis, le script d’un épisode et des tas d’illustrations en plus. De plus John Higgins a complètement remasterisé ses couleurs pour ce recueil, modernisant ainsi son approche qui avait fait grincer pas mal de dent à l’époque.
Cet absolute est donc le nec plus ultra au sujet de Watchmen, et le prix est adapté, évidemment, il permet ainsi de remettre l’accent sur ce projet qui révolutionna la BD à l’époque et permit aux comics d’entrer dans une nouvelle ère plus adulte, plus profonde.

À ce jour Watchmen est encore l’un des plus grands monuments de la bande dessinée mondiale, unanimement célébré, multipliant les prix depuis sa sortie. C’est une référence incontestée pour nombre de créateurs ou de lecteurs ! Combien se sont demandés si il était possible, après ça, d’écrire une véritable histoire réaliste sur les héros , était ce possible de faire mieux que Watchmen ?

Comme beaucoup d’autres, la lecture de Watchmen a changé énormément de choses dans ma façon de lire une BD : c’est un bijou de structure précise, de symbolisme, de niveau de lecture… A plus d’un titre, elle m’apparaît comme l’œuvre parfaite par excellence ! Tellement inspiratrice et riche, elle provoqua une véritable prise de conscience de la part des éditeurs et des auteurs, il existait un nouveau lectorat, plus adulte qui attendait que l’on s’adresse à lui aussi. Après tout Moore et Gibbons faisaient la BD qu’ils auraient adoré lire eux-même, loin des rayons habituels ou stagnaient les autres séries de super-héros…
Moore écrivait en même temps Swamp thing qui récoltait tout autant de lauriers. Avec Watchmen il s’attaquait au thème du héros, à son implication dans le monde, à son quotidien.
Mais Watchmen est aussi une ode mélancolique aux souvenirs, aux rêves qui se déforment, aux absolus qui s’étiolent dans le temps. 

Cette œuvre est très complexe, aux multiples facettes, elle se laisse découvrir au fur et à mesure des lectures successives, comme un joyau, une pierre fondatrice après la découverte de laquelle rien ne fut plus jamais comme avant. On entre dans une histoire qui parle de héros vieillissants, un mystérieux assassin les élimine progressivement, il y a une enquête… On parle de ces héros qui transforment le monde dans lequel ils évoluent, Nixon reste au pouvoir et accumule les mandats, les américains remportent le Vietnam, Dr Manhattan bouleverse le milieu scientifique de ses découvertes, l’éclosion des Minutemen amène aussi l’arrivée de quelques adversaires du même accabit, comme l’amérique a ses propres héros les comics de super-héros ne se vendent plus et c’est les autres pulps qui se développent, les histoires de pirates, de SF !!! Mais on parle aussi de desillusion, l’héroisme est mal adapté au monde qui nous entoure, les solutions ne sont plus assez efficaces, faut il vraiment descendre dans la rue pour casser du malfrat, ces petites réunions entre vigilantes sont elles efficaces ? Ne passe t on pas à côté de quelques chose de vraiment essentiel, de plus constructif ? A ce niveau là Watchmen devient vraiment une oeuvre encore plus importante, ne serait ce que pour son discours proactif (On est proactif quand on décide de prendre les choses en main, quand on décide d’agir). En se développant l’intrigue gagne en profondeur et nourrit un deuxième niveau de lecture plus dense sur notre société, le monde qui nous entoure, sur ce qui se passe et sur notre façon d’entretenir cet énorme cirque. Dans "V pour Vendetta" Moore proposait une vision plus anarchique, dans "Miracleman" les super héros se demandaient comment amener un nouvel age d’or sur terre, dans "Watchmen" les protagonistes ont baissé les bras et se contentent d’être des observateurs, mais… je ne vous en dirais pas plus, rassurez vous, mais… Mais lire cette histoire c’est aussi se rendre compte que le genre a pu évoluer, que la BD n’est plus juste une affaire d’ado.
Alors, certes, ça manque d’une pointe d’humour, de légèreté, c’est assez grave et la structure de virtuose peut aussi alourdir certaines lectures, néanmoins j’ai redévoré il y a peu ce scénario mythique, je me suis régalé tellement tout est parfait, et il ne faut pas oublier non plus le dessinateur Dave Gibbons qui eut tant de mal à se débarasser de ce pesant héritage. Son trait très propre est au service du scripte d’orfèvre de Moore. Quand on voit les collaborations postérieures de Moore, on en vient à rêver d’un Watchmen peut-être plus graphique mais je pense que l’on serait aussi passé à côté de pas mal de chose, le trait très précis de Gibbons nourrit chaque planche de mille détails qui donnent du relief à chaque scène, un pied vient troubler une flaque d’eau dans laquelle se reflétait un néon, tout est dit et c’est tellement beau. Le coloriste John Higgins a, lui, réussit à imposer une vision très fauviste parfois, je trouve, des couleurs complémentaires, des ombres colorées, des masses qui viennent se heurter. 

Il reste tellement à répéter sur Watchmen que je préfère laisser les futures lecteurs construire leur visions, prenez plaisir à lire ce chef d’oeuvre à travers cet Absolute qui vous permettra aussi de découvrir comment les auteurs travaillaient, et quel fut l’énorme travail de publicité fait autour de ce projet.

Un régal !

Par FredGri, le 24 août 2008

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