Aleph-Alif

Elle s’appelle Dora. Elle a été prénommée ainsi parce que son père avait été déporté au camp de Dora-Mittelbau, pendant la guerre. Un prénom "pour qu’elle se souvienne"…

Des années plus tard, elle se souvient. Et elle veut même en savoir plus sur ses racines. Elle part donc pour Jérusalem et les kibboutzim israëliens qui seront son point de départ vers l’Egypte et la Palestine arabe où elle cherchera des réponses à ses questions entre des témoignages recueillis auprès, pêle-mêle, d’un ancien de la Luftwaffe ou d’amis de sa famille…
 
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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2 avis sur Aleph-Alif

Aleph est la première lettre de l’alphabet hébreu, et Alif la première lettre de l’alphabet arabe, tout le récit se nourrit de cette double essence.

Dora est une jeune fille issue de la culture kibboutzique, à la base une culture socialiste, mais surtout d’intellectuels bien engagés politiquement. Elle est donc très consciente du cadre politique ou elle évolue, elle se pose des questions sur ses origines, sur le monde qui l’entoure. Elle est traductrice et fait notamment des recherches sur un vieux criminel de guerre.
Alors qu’elle va en Egypte, qu’elle retrouve des vieux amis, Dora laisse ses pensées revenir vers son passé, ses souvenirs et ce que lui a raconté sa mère, qui était son père, comment elle-même a-t elle grandi etc.
Ce qui est intéressant, c’est qu’ensuite Minaverry est revenu se concentrer sur le passé de Dora au travers de deux albums (sortis chez L’Agrume en 2012 et 2013). Il a ainsi eu l’occasion d’être un peu plus explicatif sur le parcours intellectuel de la jeune fille, sa rencontre avec Zvi, sa complicité avec Lotte et Judith. Progressivement nous voyons alors se modeler le monde qui se reflète dans Aleph Alif, un monde d’engagement, d’implication…

Le ton du scénario est très lent, très moderne, il jette un regard sur la culture Israelienne, sur ces conflits, qui met l’accent sur les contradictions qui se sont installées. Même si on a le sentiment qu’il n’y a pas vraiment d’histoire cet album va bien plus loin que le simple récit. Il se lit avec délice, tranquillement car Minaverry impose un rythme très nonchalant, focalisant parfois sur des détails, sur une atmosphère, sur un regard. Et le dessin magnifique, en ligne claire épurée, ne fait qu’accentuer cette impression entre sensualité, calme et fausse lenteur…

Une très belle découverte !

Par FredGri, le 10 mai 2008

La BD argentine était à l’honneur au début de l’année grâce à la présidence du festival d’Angoulême assurée par Jose Muñoz. En ce premier trimestre 2008, les éditions Emmanuel Proust profitent de ce sillon creusé pour nous faire connaître cette première réalisation BD de l’auteur argentin Ignacio Rodriguez Minaverry : Aleph Alif.

L’histoire se déroulant en 1967, bien des ambiances sixties sont décelables, même si elles sont parfois pour nous un peu décalées culturellement (affiches publicitaires d’époque pour Coca-Cola… en hébreu et en arabe). Mais pourtant, un air d’actualité plane quand même sur Aleph Alif grâce à ces scènes de rue qui pourraient être datées de nos jours ou à cause des tensions au Proche Orient dont il est question et qui perdurent depuis et encore…

Côté ambiances, aussi, on retrouve dans Aleph Alif un peu du Long voyage de Léna de Julliard, et, dans le dessin, un petit quelque chose du style de Vanyda ou de la Marion Duval d’Yvan Pommaux…

On aime aussi ces multiples références, ces témoignages de la vie quotidienne, que sont les marques commerciales de produits qui sont très représentées. Des affiches, des enseignes, aussi… L’auteur aime dessiner les extérieurs, les devantures, les textes, les calligraphies. Et il à de quoi s’y adonner : hébreu, arabe, russe, sous-titrage multilingue… Il excelle à tout cela, produisant un dessin très réaliste lorsqu’il reproduit des paysages, et plus stylé pour les visages. Ou s’amusant dans certaines vignettes à traduire des atmosphères spéciales : regardez par exemple cette séquence où Dora fume alors qu’elle interroge Künstler : cette bouffée qu’elle tire, le bout de sa cigarette qui s’embrase, avant de céder la place à la fumée… Une fumée de cigarette que l’on retrouve ailleurs dans la BD, représentée par un long trait se terminant par la représentation du son "f" (expiration…) de l’alphabet arabe !

C’est vraiment superbe. C’est bien trouvé, bien fait. Et les exemples sont nombreux. Que des belles planches, de beaux exercices de style, de belles trouvailles graphiques ; et tout ça dans un noir et blanc propre et mis en valeur sur un papier glacé de bonne qualité. Voilà qui vaut bien les quelque 17 euros du prix qu’on trouve peut-être un peu (trop) élevé lorsqu’on veut passer à l’achat, Aleph Alif étant une BD brochée et en noir et blanc…

Après les planches, un carnet de croquis vient enrichir l’ouvrage, un "ouvrage-rencontre" : Aleph Alif nous a fait à la fois suivre une très intéressante histoire et découvrir un auteur plein de talent.
 

Par Sylvestre, le 19 avril 2008

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