AMBULANCE 13 (L')
Croix de sang

Janvier 1916 : depuis deux ans, la guerre de mouvement est arrêtée, les deux armées, française et allemande, sont face à face, enterrées dans des tranchées.
Les bombardements continuels, les attaques pour tenter de s’emparer des postes ennemis multiplient les blessés et les morts. Les hommes s’engluent dans la misère et la boue.

Par olivier, le 12 novembre 2010

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Notre avis sur AMBULANCE 13 (L’) #1 – Croix de sang

C’est dans ce contexte qu’arrive sur le front le tout jeune médecin major Bouteloup. L’escouade médicale dont il prend le commandement, l’ambulance 13, enterre son prédécesseur, tout jeune lieutenant, alors qu’il parvient sur le lieu du cantonnement.
Une double tâche attend ce jeune médecin : soigner les blessés et se faire admettre de ses hommes qui sont déjà au front depuis deux ans, vieux briscards désabusés et sans guère d’espoir de retourner chez eux autrement que les pieds devant.

Avec ses hommes, l’Ecaille, Compère, le Curé, l’Apache, que la misère des tranchées a soudés, il va découvrir une réalité que la presse de l’arrière ne décrit pas. Les rats, les morts des deux camps qui pourrissent à quelques mètres des vivants, la boue et l’absence totale d’hygiène.
Face aux ordres et consignes absurdes, il va apprendre très vite et va devoir choisir, rester humain ou devenir comme ses supérieurs et ne plus considérer les blessés que comme des corps sans âme, un assemblage de chairs et de viscères sans identité.

C’est un point de vue différent sur la guerre de 1914 1918 que nous proposent Patrick Cothias et Patrice Ordas, celui d’un jeune homme, frais émoulu de l’école de médecine et qui a pour fardeau d’être le fils du baron Bouteloup, député, lieutenant colonel et médecin. Les relations de son père, proche de Pétain, et surtout les inimitiés qu’il s’est créées finiront par retomber sur Louis.
Loin de se contenter de nous décrire l’horreur des tranchées, les deux coscénaristes évoquent aussi le climat social, politique et même artistique avec la naissance de l’impressionisme.

Dans cet univers où les services de santé sont encore primitifs, Louis apprendra très vite, pratiquant une médecine d’urgence dans des conditions plus que précaires avec des moyens dérisoires, il va refuser l’orthodoxie de ses supérieurs, refuser la facilité, il va rester humain et ouvert.

L’écriture de cet album, aux dialogues vivants et contemporains de l’époque, immerge totalement le lecteur dans cette ambiance où malgré l’horreur des membres déchiquetés et des tripes à l’air -car les scénaristes ne nous épargnent rien- subsiste, bien enfouie sous une carapace de dureté et d’insensibilité, une petite lueur d’humanité. Sous ces uniformes raidis par la boue ce sont des hommes qui résistent et tentent de survivre face au feu et aux ordres ineptes.

Le graphisme réaliste d’Alain Mounier colle au récit, mettant en évidence toute la misère vécue dans ces tranchées et les sentiments contradictoires qui habitent les soldats, désillusion et pessimisme ou gloriole pathétique.
Les flashbacks, avec changement de teinte sur les planches pour mieux marquer la rupture, sur la jeunesse de Louis accentuent encore la distance entre le vécu sur le front et le confort bourgeois de l’arrière.

Publié également sous forme de roman il y a quelques mois chez le même éditeur, l’Ambulance 13 nous replonge dans l’enfer des tranchées, ouvrant un champ d’exploration sur les hommes de troupe comme sur les gradés, une approche historique et humaine qui ne focalise pas uniquement sur les combats mais évoque aussi les donneurs d’ordre, la politique et le social.

A signaler enfin la très belle édition canal BD avec un cahier graphique de portraits pleine planche illustré par Mounier.

Par Olivier, le 12 novembre 2010

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