AMERE RUSSIE
Les Amazones de Bassaiev

 
Alors que son fils Volodia est parti faire son service militaire en Tchétchénie, Ekaterina Kitaev apprend un jour qu’il a été fait prisonnier. S’étant laissé dire que le général tchétchène Bassaiev a fait savoir au monde entier par voie de presse qu’il était disposé à libérer tout prisonnier dont la mère se présenterait à lui, Ekaterina n’écoutera que son courage et partira pour la Tchétchénie dans l’espoir d’y retrouver son fils.
 

Par sylvestre, le 14 juin 2014

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Notre avis sur AMERE RUSSIE #1 – Les Amazones de Bassaiev

 
Amère Russie… Avec seulement une lettre en plus, les mots "Mère Russie" et tout ce qu’ils ont de rassurant prennent une triste tournure. La Mère Patrie était en effet celle à qui l’on devait tout pendant la période soviétique, mais les gens ont changé en même temps que les vents politiques ont tourné et cette notion s’est délitée. Tout comme l’URSS, qui rassemblait sous un seul et même drapeau d’innombrables ethnies mais qui s’est disloquée dans les années 90 pour laisser la place à de nombreuses républiques plus ou moins autonomes et plus ou moins bonnes voisines…

Cette tristesse, ce désenchantement, cette perte de repères, on les retrouve dans l’héroïne de cet album de bandes dessinées. Il faut dire qu’en quelques planches seulement, Ekaterina Kitaev (qui déjà vit chichement) se sépare de son homme, voit son fils partir pour une zone en guerre et apprend qu’il a été fait prisonnier par les Tchétchènes que les media russes présentent par-dessus le marché comme de sanguinaires terroristes. Rien que ça !

A toutes fins utiles, il est bon de rappeler que selon les cartes officielles, les Tchétchènes… sont des Russes ! Ce qui n’est pas du goût d’une partie des intéressés qui se battent pour devenir indépendants. Et de rappeler qu’attention : dans les conflits qui opposent Moscou à Grozny, il y a les Russes et les Tchétchènes séparatistes (les "nôtres", ici : ceux de Bassaiev), mais il y a aussi les Tchétchènes pro-russes (ceux de Kardyrov) qui sont actuellement au pouvoir. Bref, un vrai casse-tête ; avec bien entendu du pour et du contre en ce qui concerne chacun des belligérants puisque durant ces guerres qui ont saigné la Tchétchénie, tous les camps ont su faire preuve et de barbarie et de terrorisme. Ce qui fait que selon le point de vue que l’on veut adopter, on peut vouloir être "pour" l’un qui paraît être le gentil petit poucet alors qu’en son genre, celui-ci sait aussi être l’ogre à l’occasion (C’est le séparatiste Bassaiev qui est à l’origine du massacre de Beslan en Ossétie, c’est lui aussi qui est à l’origine de la prise d’otages à Moscou ; Nord-Ost…)

Bref, les guerres, c’est compliqué, et chaque camp à ses raisons et ses manières de faire. Dans Amère Russie, les auteurs ont décidé de faire entrer le lecteur dans ce contexte particulier de la guerre en Tchétchénie mais de dédramatiser en invitant un peu d’humour et en gommant – sans toutefois la nier – l’atrocité pure. C’est ainsi que la guerre est montrée trop propre et Ekaterina trop chanceuse (elle réussit à éviter des problèmes à un contrôle alors qu’elle n’a plus ses papiers, elle est une Russe accueillie sans trop de problèmes par des Tchétchènes, elle retrouve le sac qui lui a été volé…) Son chien Milyi pèse d’ailleurs de tout son poids sur cette chance qu’a sa maîtresse : on peut donc dire qu’il tient un grand rôle ! Enfin, le dessin d’Anlor est dans un style qu’on verrait mieux sur une BD comique : il a là tendance à enjoliver le fond, à rendre l’univers du récit moins terrible qu’il ne devrait l’être…

En tout état de cause, le mariage entre la fiction et l’Histoire est très intéressant et, que l’on soit sensible à la question tchétchène ou pas, on est ravi de pouvoir lire une telle histoire, pleine de sentiments, d’action et tout cela sur fond historique.

"Les Amazones de Bassaiev" est un tome 1, la suite et fin sera à découvrir dans le tome 2. Au scénario : Aurélien Ducoudray qui scénarise sur un tout autre terrain que son (pour ne citer que celui-là) génial The Grocery. Et au dessin : la précitée Anlor.

En fin d’ouvrage, on trouve un appréciable cahier supplémentaire avec photos. Si l’on comprend le parallèle qui a été fait dans ce supplément entre les différentes Amazones dans l’Histoire, le propos se fait par contre peut-être un peu embrouillant : il présente par exemple d’entrée une sniper du Daguestan alors que la BD évoque les snipers tchétchènes (les Tchétchènes sont des terroristes aux yeux des Russes du Daguestan, donc méprise/surprise possible…) Un peu embrouillant aussi pour son côté fourre-tout puisqu’il aborde le thème des femmes soldats mais évoque aussi en les listant d’autres conflits qui mettent le feu à certaines frontières de la Russie (voire au-delà, dans la très pro-russe Transnistrie), ce qui tend à éloigner du sujet celui qui ne le maîtriserait pas.

Mais je chipote, là. Et mes derniers mots seront plutôt : bravo, merci, et vivement la suite !
 

Par Sylvestre, le 14 juin 2014

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