Anne Nivat, correspondante de guerre

C’est un beau cadeau que nous font certains éditeurs lorsqu’ils augmentent les tirages originaux de leurs bandes dessinées d’un carnet de croquis. On aime alors y découvrir ce côté coulisses de l’œuvre, les études des personnages ou les étapes de création des dessins qu’on retrouve ensuite dans les planches. On aime y trouver la force de réalisations qui à elles seules vaudraient parfois bien un tableau !

Avec Correspondante de Guerre, et bien qu’il n’y soit pas question de carnet de croquis au sens évoqué ci-dessus, c’est ce qui arrive dès qu’on commence à feuilleter l’album, dès qu’on entre dans l’univers graphique très fort de Daphné Collignon dont on avait remarqué le talent dans, entre autres, sa série Coelacanthes.

C’est dans un autre registre qu’elle œuvre cette fois-ci, mais on retrouve sa manière de faire, de composer ses planches, d’utiliser la peinture, le dessin, la photo, ou encore des pavés de textes créant l’équilibre. Un autre registre, oui, puisque c’est un portrait qu’elle nous propose cette fois dans cet album : le portrait de la reporter française Anne Nivat.

Sensible à « l’Autre » de par son expérience de vie à l’étranger et séduite par une intervention radiophonique d’Anne Nivat qu’elle avait suivie avec grand intérêt, Daphné Collignon a su en éteignant son poste qu’il lui fallait rencontrer cette femme dont le discours et dont la manière de travailler, proches des gens, faisaient écho en elle. D’autant plus qu’elle était alors en contact avec Clotilde Vu, directrice de collections chez Soleil, pour un projet visant justement à faire collaborer des auteurs de BD avec des grands reporters… CQFD

Entre carnet de voyages, témoignages illustrés et séquences plus statiques correspondant aux interviews qu’Anne Nivat donnait à Daphné Collignon, c’est sur une soixantaine de planches qu’on apprend à mieux connaître Anne Nivat ; et l’exercice est intéressant puisqu’on la découvre avec ses propres mots, mais sous le regard de l’auteure de BD dont on a l’impression d’apprendre plus aussi par la même occasion.

Publiée en partenariat avec Reporters sans Frontières et France Info, Correspondante de Guerre est enfin une piqûre de rappel sur les conditions de vie de ces gens de l’autre bout de la Terre à qui Anne Nivat donne la parole dans ses livres et dans ses reportages. Une piqûre de rappel qui fait écho à la préface qu’elle avait signée dans la BD Chroniques du proche étranger en Tchétchénie et qui faisait le constat amer qu’à partir du moment où plus personne n’était sur le terrain pour parler de ce qui pouvait s’y passer, les gens (nous !) pensaient alors que plus rien ne s’y passait ! Alors qu’on sait bien qu’il n’a par exemple pas suffi que les reporters sortent de Grozny pour que les maisons s’y reconstruisent et y soient à nouveau des foyers sécurisés…

Correspondante de guerre, c’est ça : un portrait, un témoignage, une passerelle vers la bibliographie d’Anne Nivat, aussi. Le tout mis en images par une dessinatrice de talent dans un album BD qui vous est très fortement recommandé par Sceneario.com !
 

Par Sylvestre, le 16 février 2009