Artemisia
Les femmes n’avaient pas le droit, en Italie, fin seizième début dix-septième, d’acheter de matériel de peinture, ni de signer leurs toiles. Elles ne pouvaient pas non plus espérer vivre de la pratique de cet art.
La jeune Artemisia était très talentueuse et faisait pour cela la fierté de son père, peintre lui aussi. Pour qu’elle puisse progresser, ce dernier engagea un jour, contre l’avis de sa fille, un professeur particulier pour elle ; un ami.
Renard invité dans le poulailler, ledit professeur, un dénommé Tassi, viola très tôt son élève et sut faire en sorte que personne ne le sache. Artemisia fut ainsi doublement humiliée : par son violeur, mais aussi par son père, qui, tout entier absorbé par sa peinture, ne vit jamais ou ne voulut jamais voir la détresse de sa fille.
La rage qu’Artemisia contenait explosa un jour et l’affaire fut portée devant les tribunaux. Elle put ensuite, malgré sa virginité et son honneur perdus, trouver un époux et se remettre à peindre. Son histoire la fit connaître et son talent lui valut d’être la première femme acceptée au sein de l’Académie…
Par sylvestre, le 16 juillet 2017
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Collection s :
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Sortie :
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ISBN :
9782756074351
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Notre avis sur Artemisia
Artemisia Gentileschi est née en Italie à une époque où de grands noms de la peinture oeuvraient. Si les lois dans son pays n’avaient pas été ce qu’elles étaient, son talent aurait pu éclater à la figure du monde bien plus tôt qu’il ne l’a fait… Artemisia ne se serait peut-être jamais essayée à la peinture si son père, Oracio Gentileschi, n’était pas lui-même artiste. Mais c’était un passionné et dans la maison familiale, chevalets, pinceaux, pigments et séances de peinture faisaient le quotidien. Elle aurait pu être piètre élève, comme ses deux frères. Elle montra au contraire des talents étonnants que le contexte dicté par "ces messieurs bien pensant" promettait d’étouffer.
L’amour que portait son père pour Artemisia était un amour particulier. La mère était décédée et à la maison, le chef de famille n’en était plus vraiment un si l’on considère que tout son temps, il l’accordait à ses tableaux. Néanmoins, le père reconnaissait le talent de sa fille et entre eux, la relation était intimement liée à la jouissance de s’exprimer dans l’art et au partage qui existait entre eux sur le sujet. Cet amour et cette passion paternels eurent sans doute un effet bénéfique sur les capacités artistiques d’Artemisia. Ils furent aussi destructeurs dès lors que le père confia sa fille à autrui et qu’elle en perdit son innocence.
Avoir été violée par son professeur particulier écrasa la jeune fille qui n’avait en outre personne à qui confier ses malheurs ; d’autant plus que c’était sa parole contre celle de son agresseur. Mais ça a aussi permis à sa rage et à son désir de vengeance de gronder des années durant jusqu’à exploser : jusqu’à porter sur la place publique la honte qu’elle traînait depuis trop longtemps et jusqu’à exprimer sur ses toiles cette violence jusque là contenue. A ses talents naturels s’était conjuguée l’envie de regagner son intégrité, voire de surpasser ces hommes qui se croyaient tout permis.
Dans cette bande dessinée, l’histoire d’Artemisia nous est contée par la voix de Marta, une femme proche de l’héroïne principale qui elle-même la raconte à Prudenzia, la fille d’Artemisia. Quelques scènes montrent donc ce récit fait de l’une à l’autre, les autres (la plupart) nous projettent dans le récit lui-même, aux côtés d’Artemisia, de sa jeunesse jusqu’à la mort de son père.
Le dessin de Tamia Baudouin est assez spécial : il est fin sans être aussi réaliste qu’il voudrait l’être. Ses couleurs, quant à elles, sont plutôt ternes mais ce choix colle finalement bien aux ambiances et aux épreuves qu’a endurées Artemisia. Le découpage est signé Nathalie Ferlut qui rend ici hommage à Artemisia l’artiste autant qu’à Artemisia la femme qui (Marie Curie avant l’heure et dans son domaine de prédilection !) a fait taire les hommes en leur prouvant "par a plus b" sa supériorité sur eux quand eux montrent plus de disposition à en parler qu’à la démontrer !
Une biographie romancée instructive, un regard sans concession sur l’Homme dans ce qu’il a de plus vil, l’art et la détermination comme seuls arbitres.
Par Sylvestre, le 16 juillet 2017