Assis debout

Même au beau milieu des villes les plus étouffantes, il est possible de trouver des havres de paix, des squares épargnés par le bruit. La vie est parfois faite ainsi : aux mauvaises expériences, au poids des contraintes ou à l’insignifiance qui semble nous coller à la peau peut succéder l’ère du renouveau, de la reconstruction…

On l’imagine bien nous raconter tout ça une pinte à la main. Cet homme qui nous parle, qui revient sur son passé, n’en a pas retenu que les bons ou que les mauvais moments. Il a juste été marqué. Parfois ça a fait du mal, d’autres fois ça a fait du bien.

Le tout est de savoir digérer son vécu pour n’en tirer que le meilleur.
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

Lire les premières pages de Assis debout

Notre avis sur Assis debout

Ce roman graphique doit son titre à ces sièges qui font semblant d’offrir une position confortable à ceux qui les utilisent. Ils sont aussi une métaphore pour parler des problèmes qu’a rencontrés le narrateur dans sa vie professionnelle, une vie au cours de laquelle il n’aura cessé de pester en vain contre les défauts de la société, l’exploitation de l’ouvrier par son patron, la misère humaine…

Lire Assis debout, c’est pourtant comme cheminer vers la lumière, vers le bout du tunnel : tout au long de l’album, on écoute ce narrateur amer revenir sur différentes périodes de sa vie, qu’il nous a classées des plus sombres à d’autres, bien plus optimistes. Il revient sur ses échouages dans les bars, sur la perte d’identité qu’a été pour lui son service militaire, sur son travail ingrat à l’usine, mais il nous parle aussi de son amoureuse, de bons moments qu’il a passés avec elle grâce à qui il a appris à regarder les choses autrement et à avoir envie de "tirer du pire un parfum"… Car même si l’alcool et la fumée de cigarette sont omniprésents dans le récit et sont de véritables personnages des premières situations décrites, peu enviables (on est encore loin de la notion de parfum !), l’atmosphère s’adoucit à mesure que notre héros mûrit et ouvre les yeux. Au fur et à mesure qu’il devient "aimable", "digne d’être aimé", comme son amoureuse lui a traduit ce mot…

Au début, j’ai presque eu du mal avec ce personnage qui me parlait si longuement de son parcours. L’écouter en BD devait en faire pour moi quelqu’un de sympathique (car on se range généralement toujours du côté des héros), ce que je trouvais incompatible avec le ressenti naturel que j’aurais sûrement eu si j’avais eu à le croiser en personne : c’est facile d’être lecteur de BD et de se laisser raconter la vie dans la rue par quelqu’un qui l’a vécue. Mais en réalité, aurais-je écouté ce qu’avait à me dire cette personne si elle m’avait interpelé dans un couloir du métro ? Et c’est ce qui m’a touché dans cette BD. C’est qu’elle m’a mis face à la personne en moi qui n’est pas si ouverte que ça – quand j’y regarde bien – au malheur des autres. Mais par le pouvoir du neuvième art, elle a réussi à me faire accompagner cet homme et à le supporter jusqu’à ce que de porteur de rage, il devienne porteur d’espoir.

Le dessin en noir et blanc est un choix logique pour ce récit dont le maître mot est "contraste". Le premier épisode est d’ailleurs dessiné de manière très rugueuse quand les suivants laissent de plus en plus de place à la lumière et à la douceur. Quant à ces incrustations de photos, assez nombreuses, elles nous aident à situer ce témoignage dans le temps : Samantha Fox, Mireille Matthieu, Johnny, Le Pen et Sarkozy… Oui. Assis debout, c’est de l’actualité. Et en cela, les auteurs et leur éditrice font montre d’un fort engagement, traduisant par les mots d’un individu les maux d’une société plus large, allant jusqu’à reprendre des slogans désormais très politisés.

La fin est belle. La superposition des mots du personnage principal avec ceux de ses auteurs et ces mêmes mots remplacés par un silence tout aussi suggestif nous font terminer cette lecture bien plus légers, plus libres, qu’on ne l’était sous la pression des premières séquences.

Assis debout est de ces bandes dessinées qu’il faut avoir à côté des Amiante, Putain d’usine ou autres Noir Métal. Une BD moins axée "monde du travail" mais tout aussi militante et humaine.
 

Par Sylvestre, le 5 avril 2008

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