Atatürk

Alors que l’Empire ottoman se retrouve dans le camp des vaincus suite à la Première Guerre mondiale, le jeune général Mustapha Kemal va se révolter contre l’occupation de sa terre, rompant avec le sultan, et mettant en place une Assemblée nationale concurrente au pouvoir établi, depuis l’Anatolie et Ankara. Il rêve de fonder une puissante nation, indépendante, ouverte, et moderne, à l’encontre du dépeçage établi par le Traité de Sèvre de 1920.

Par v-degache, le 24 octobre 2023

Notre avis sur Atatürk

La collection Ils ont fait l’histoire éditée par Glénat et Fayard nous emmène dans un empire ottoman post première guerre mondiale, subissant les dures conditions imposées par le Traité de Sèvres de 1920, et perdant ainsi une partie de son territoire (Syrie, Irak, Palestine, Smyrne, Chypre, Arménie…) passant sous contrôle étranger ou sous mandat de la Société des Nations.

C’est dans ce monde vacillant que le jeune général Mustapha Kemal va connaître une ascension fulgurante, jusqu’à la fondation de la Turquie moderne qu’il va diriger durant quinze années. La scénariste Marie Bardiaux-Vaïente (L’enfer est vide, tous les démons sont ici) prend comme point de départ de son récit le discours (Nutuk) que Kemal, aka Atatürk (le « Turc-Père ») prononce en 1927 devant les députés de son parti, discours qui durera plus de trente-six heures réparties sur six jours !

De son rôle durant la Bataille des Dardanelles en 1915-1916, jusqu’aux réformes de la toute nouvelle république turque, nous suivons cet homme déterminé, quitte à faire le vide autour de lui en mettant sur la touche ceux qui pourraient lui faire de l’ombre, et à éliminer des éléments sociétaux fondamentaux de l’ancien empire (religion, coutumes, écriture…), pour arriver à bâtir ce qu’il estime être un État-nation moderne.

La Guerre d’indépendance turque, durant laquelle M. Kemal et ses hommes affrontent les puissances alliées, et notamment l’ennemi grec, mais aussi l’armée ottomane, prend bien sûr une place importante dans l’album. Alternant les scènes plus politiques, avec le rôle joué par la Grande Assemblée nationale depuis Ankara, et les séquences de combat, M. Bardiaux-Vaïente parvient à livrer un récit fluide et accessible, malgré les nombreux enjeux soulevés. Cette grande lisibilité est aussi à mettre au crédit de la finesse du trait d’Andrea Meloni, qui a notamment signé récemment, dans la même collection, les ouvrages consacrés à Mussolini et Talleyrand, qui réussit à ne pas proposer de planches trop chargées, et à aller à l’essentiel.

Le dossier de fin d’ouvrage réalisé par l’historien François Georgeon est une nouvelle fois impeccable, mobilisant iconographie, cartographie, évolution des débats historiographiques concernant le « mythe » Atatürk… Les passionnés d’histoire seront ravis !

Cet Atatürk est de bout en bout passionnant, essentiel pour comprendre la Turquie actuelle, et les visées néo-ottomanistes de son leader Erdogan, et tout simplement pour découvrir l’histoire de ce jeune État, entre Orient et Occident.

Par V. DEGACHE, le 24 octobre 2023

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