BANANAS
Revue critique de bande dessinée

S’il y a des grands débats dans l’Histoire de la Bande Dessinée, ceux qui concernent la reconnaissance de la presse, de ces récits qui fleurissaient dans les journaux, dans les revues, dans les "petits formats", des années 50 à 80 (à la louche), restent au cœur des rencontres actuelles, avec la volonté de réhabiliter tout un pan de cette Histoire trop injustement méconnue au profit des grands périodiques historiques comme Spirou, Tintin, Métal Hurlant ou Pilote et plus globalement de l’évolution de l’album depuis les années 60.

Evariste Blanchet a déjà auparavant retranscrit, dans les pages de Bananas, des tables rondes de SoBD ou les participants s’interrogeaient sur ce corpus écarté des grands courants de la critique. Le débat est à nouveau relancé ici, par le biais de deux sujets. D’une part, une nouvelle table ronde qui date de décembre 2021 "La presse quotidienne, oubliée de l’historiographie de la bande dessinée", ou les invités dressent un bilan sans équivoque sur ce constat, mettant en avant aussi la situation des auteurs à l’époque et l’évolution des pratiques, des tarifs et des prises de conscience. Evariste Blanchet vient appuyer la démonstration en présentant l’ouvrage "Dessiner des Petits Mickey, une histoire sociale de la bande dessinée en France et en Belgique (1945 – 1968)" qui justement aborde cette histoire et bousculant quelques idées reçues, en replaçant l’auteur et le cadre social au cœur des débats.
On ne peut qu’être époustouflé par la richesse de ces articles, par tout ce qu’ils mettent en avant sur la nécessité de redéfinir une histoire et ses limites (s’il y en a, évidemment !). Plus que jamais, tout le travail de fond de certains éditeurs qui réhabilitent l’incroyable patrimoine de la Bande Dessinée apparait aujourd’hui comme vital, de même que ces débats et tous ces supports critiques que sont des revues comme Bananas, des zines comme Hop! etc.

Cependant, ce quinzième numéros ne se contente pas de ce débat, loin de là. On peut y trouver une analyse assez pertinente sur le rapport à la famille dans l’œuvre de Cosey, même si je trouve que c’est un peu parfois tiré par les cheveux. Un peu comme l’article très conséquent "L’irruption sauvage du dehors dedans" de Renaud Chavanne qui diserte sur les fenêtres et les portes dans la BD… Il y a aussi une passionnante interview avec Jean-Pierre Duffour qui évoque sa carrière, ses rencontres et l’évolution de son travail jusqu’à aujourd’hui.
On retrouve avec plaisir l’esprit historique de Bananas avec des articles sur les adaptations françaises de Robin des Bois, sur l’incroyable manga Lady Snowblood de Kazuo Kamimura et Kazuo Koike, sur les deux artistes italiens Egidio Gherlizza etAntonio Terenghi et la troisième partie, un peu plus hermétique que le reste sur les Archives Jean Chakir. Des articles extrêmement intéressants et très précis qui démontrent, s’il en est encore besoin, l’énorme qualité de ce contenu. Un vrai plaisir à lire.
Comme d’habitude, Evariste Blanchet conclue par quatre critiques de livres, sans langue de bois. Un vrai modèle pour tous ceux qui veulent s’essayer à cet exercice !

Bananas reste coûte que coûte la revue essentielle pour tous ceux qui veulent creuser la Bande Dessinée, ses thèmes, son Histoire et ses multiples auteurs.

Absolument indispensable.

Commandable directement sur le site de l’éditeur, ou en librairie: https://bananas-comix.fr/produit/bananas-n15

Par FredGri, le 14 mars 2023