Bâtardes de Zeus

La mythologie a à nouveau les faveurs des créateurs qui se réapproprient avec pertinence les multiples légendes ou simplement créent de nouvelles aventures au milieu.
Avec ces Bâtardes de Zeus, Agnès Maupré réinvestit ce riche patrimoine en s’attardant sur les personnages en marge, les victimes de ces dieux vaniteux et irresponsables. Insistant aussi sur le fait qu’au delà des grands mythes, des multiples exploits qui ont émerveillé des générations de lecteurs, ce paysage mythologique apparait parfois comme une sorte de tableau de chasse décomplexé d’un groupe de divinités qui ne se soucient guère des conséquences de leurs actes, passant leur temps à se chamailler à qui aura le temple le plus beau, à courir après la moindre belle nymphe ou je ne sais quelle princesse qui ne peut que subir les affres de leurs ébats, avant de se faire transformer définitivement en un animal ou un végétal pour échapper à la colère d’une déesse jalouse…

Même si les deux jeunes filles traversent en quelques sorte la mythologie grecque sous l’angle des laissés pour compte, de ces innombrables victimes qui se sont accumulées dans les marges, Agnès Maupré n’en oublie pas pour autant le cadre « merveilleux » avec cette tradition de l’épopée ponctuée de rencontres incroyables. Physalis et Britomartis tentent de rejoindre l’Olympe pour rencontrer Zeus, avec l’idée de légitimer leur appartenance à cette matière mythique. Ceux qu’elles croisent sur leur route tentent alors de les faire redescendre « sur Terre », en leur expliquant la nécessité de relativiser cet hypothétique héritage qui est bien plus à appréhender sous l’angle de la liberté ultime, loin de ces olympiens capricieux.

Pour autant, le scénario, plein de finesse dans le portrait de ces deux héroïnes à la recherche de leur émancipation, est vraiment très prenant, avec des échanges qui pose des réflexions vraiment intéressantes sur l’héritage, sur notre rapport à notre propre histoire et à ce que nous voulons construire de notre vie. Physalis met du temps à comprendre la futilité de sa quête, que le plus important c’est peut-être tout simplement ce qu’elle a construit jusque là… Qui sait…

Un album qui interpelle.

Très conseillé.

Par FredGri, le 6 mai 2024