BÉKAME
Tome 1

Bilel est un jeune garçon d’origine arabe qui aime le foot au point d’avoir été surnommé Békame comme le joueur professionnel. Ce dernier est arrivé clandestinement en France via une bande de passeurs peu scrupuleux. Profitant d’un moment de relâchement de ses tortionnaires, il parvient à leur fausser compagnie et se retrouve à parcourir une ville qu’il ne connaît nullement. Toutefois, il poursuit un but, celui de rejoindre son frère aîné Ahmed qui l’a précédé deux ans auparavant et pour lequel il colle, en guise de ralliement, des cartes de collection Panini dans les endroits où il passe. Au fil d’une errance peu enviable qui ressemble plus à une fuite, il rencontre Victor, un sans domicile fixe plutôt malin, et puis Assane, entraîneur d’une équipe de foot de quartier qui le prend sous son aile protectrice. Par ces derniers, le jeune immigré va faire son immersion dans la société, une société qui certes ne vaut pas mieux que celle qu’il a quitté. Les retrouvailles avec Ahmed vont le lui confirmer amèrement.

 

Par phibes, le 19 janvier 2012

Notre avis sur BÉKAME #1 – Tome 1

Sous le couvert des éditions Futuropolis, Aurélien Ducoudray revient, après Championzé et La faute aux chinois, nous présenter sa nouvelle série réalisée en collaboration avec le dessinateur Jeff Pourquié. Sensibles au problème de l’immigration clandestine et aux circonvolutions souvent douloureuses vécues par ses candidats à une vie espérée plus clémente, les auteurs en saisissent le sujet pour le moins contemporain et nous le soumettent via les aventures de leur petit personnage Bilel.

Cette première partie est comme il se doit celle qui nous permet de faire connaissance du jeune réfugié qui a pour unique objectif de retrouver en France son frère aîné Ahmed avec lequel il entretient le projet d’aller vivre en Angleterre. Pour cela, Bilel est promis à un parcours dans l’ombre de la légalité, un parcours qui se veut bouleversant. De fait, entre la maltraitance de passeurs insensibles, la surveillance policière, les squats malfamés, les ateliers clandestins, les campements sauvages, le petit garçon va pénétrer un univers qui n’a rien d’engageant et qui nous ouvre des perspectives peu réjouissantes. A cet égard, on pressent qu’Aurélien Ducoudray a voulu nous faire toucher du doigt, grâce à des dialogues incisifs et naturels, une thématique dramatique, celle de la clandestinité, à laquelle il est plus que sensible pour l’avoir sûrement côtoyée et qui se doit d’être dénoncée.

Les effets sont immédiats et imparables, dès le départ du récit jusqu’à la fin de cette première partie. Au travers de Bilel, de ses émotions les plus simples et les plus convaincantes, de son témoignage vierge peu ragoûtant, de sa rencontre finale souhaitée et insoupçonnée avec son frère Ahmed, le lecteur est appelé à pénétrer le côté sombre d’un système décalé qui transforme les êtres en de pauvres hères manipulés malgré leur tentative d’émancipation. La désillusion se dessine au fil des pages, parfois temporisée par des rencontres humanisantes telles celles avec Assane.

De son côté, Jeff Pourquié fait un excellent travail. Son coup de crayon qu’il a su faire évoluer depuis la série Le Poulpe, agrémenté d’une colorisation ajustée, a énormément de charme, dégage une sensibilité exacerbée qui sied à merveille aux péripéties du jeune Bilel. Tout en étant épuré, son trait possède un potentiel d’authenticité attirant, mordant et également sombre. Utilisant un concept de découpage à mainlevée appréciable, l’artiste étale ses vignettes avec brio au sein desquelles les messages les plus subtils, les émotions les plus diverses, les situations les plus douloureuses sont délivrés.

Une première partie d’une histoire attendrissante superbement orchestrée à lire de toute urgence.

 

Par Phibes, le 19 janvier 2012

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