BLAST
L'apocalypse selon Saint Jacky
Polza Mancini est toujours en garde à vue, interrogé par deux enquêteurs qui ont la difficile mission de lui faire avouer sans le braquer ni le plonger dans un mutisme total, le meurtre de Carole Oudinot. Mancini va donc poursuivre le récit de ses vagabondages, de ses souvenirs d’enfance, de l’excitation qu’il ressentait lorsqu’il s’appropriait des maisons de vacances mais aussi de sa brutale rencontre avec Saint Jacky, dealer provincial et grand amateur de lectures divers et variées, dont la marchandise pourrait bien permettre à Polza d’atteindre encore une fois ce "Blast", ce moment d’évasion tant prisé… Mais à quel prix?
Par Matt, le 13 avril 2011
-
Scénariste :
-
dessinateur :
-
Coloriste :
-
Éditeur :
-
-
Sortie :
-
ISBN :
9782205067590
3 avis sur BLAST #2 – L’apocalypse selon Saint Jacky
Quasiment un an et demi après la parution du premier Tome, Manu Larcenet nous propose le nouvel opus de Blast. Blast est un récit surprenant et parfois dérangeant d'un homme obèse s'étant marginalisé à la suite du décès de son père, et recherchant par tout moyen le "Blast", sorte d'état second où le personnage principal semble s'évader de la réalité, semble plâner malgré son imposante corpulence.
Encore une fois à travers son oeuvre, l'auteur surprend, fascine, dérange, inquiète... Manu Larcenet le reconnait lui même ça et là, au détour d'une interview, certains thèmes abordés dans Blast sont issus de sa propre expérience de la vie. Le rejet des personnes obèses par la société, l'emprise de l'alcool et de la drogue qui nous coupe du monde et nous fait connaitre pendant quelques instants un état de grâce, l'auto-mutilation... C'est parce que l'auteur a vécu ces moments si difficiles qu'il nous les raconte si bien, et c'est peut être le véritable plus de l'oeuvre, cette dimension semi autobiographique. ("Semi" car sauf grande surprise, vous ne verrez jamais Manu Larcenet courir nu dans la forêt...)
Dans ce tome, comme dans le précédent, l'auteur prend le temps. Pas question de narrer cette histoire complexe en 48 ou 54 pages, mais bel et bien de prendre le temps en un peu plus de 200 pages pour raconter un récit prenant. Certains passages sont dénués de tout dialogue, de toute voix off... Il n'y a que le silence qui laisse le lecteur seul, face à lui même et au dessin, et quel dessin...
Car si Manu Larcenet est un véritable conteur des temps modernes dont les récits touchent les lecteurs avec une sincérité poignante, l'homme n'en est pas moins un grand dessinateur. Il le prouve (mais a t-il quelquechose à prouver en la matière?) grâce à de superbes lavis de noirs et de gris, a une maitrise parfaite des aquarelles, mais également par l'introduction de passages en couleurs tant pour le fameux "Blast" (où il utilise les dessins de ses enfants pour mettre en scène son personnage) que lorsqu'il repense à sa jeunesse.
Cependant, un auteur peut-être bon dessinateur sans toutefois réussir à susciter une quelconque émotion chez le lecteur. Larcenet, comme je le disais un peu plus haut, capture litéralement son public. Comment expliquer la lueur étrange dans les yeux de Polza Mancini lors de son interrogatoire? Un regard presque enfantin, quasiment malsain... C'est d'ailleurs toute l'ambiguïté de cet anti-héros qui attire la sympathie malgré les faits qu'il aurait commis et sa décadence, alors que l'on sent paralellement qu'il est capable du pire...
Larcenet possède également un sens incroyable de la mise en scène. J'en veux pour exemple (parmis tant d'autres!) le passage qui s'étend de la page 10 à la page 16, ou Mancini laisse vagabonder son esprit dans ses souvenirs pendant quelques instants et dans le silence le plus complet, lorsqu'il est finalement ramené à la brusque réalité de l'interrogatoire. Vous le verrez, l'album fourmille de scènes qui n'auraient certainement pas la même saveur et le même impact sous la plume d'un autre auteur.
Je n'ai pas la prétention de pouvoir vous donner toutes les clés de l'album dans cette brève chronique, j'en serais totalement incapable même après de multiples lectures, tant Blast semble plus complexe que ce qu'il n'y parait... Blast est un récit fort et poignant qui va en émouvoir plus d'un et qui fera, du moins je l'espère, date dans le milieu de la bande dessinée.
Très bien écrite et remarquablement bien dessinée, Blast est une série incontournable. Assurément un must à posséder d’urgence !