Bonne arrivée à Cotonou

Bien qu’il n’y ait jamais mis les pieds, Charles est passionné par l’Afrique et par les ambiances qu’elle lui évoque. Au point, par exemple, qu’il a même engagé une domestique, comme les "expats" en ont là-bas ! Et que sa maison, vous l’imaginez, est décorée de fond en comble avec d’exotiques meubles et une multitude de babioles provenant de ces territoires auxquels il rêve depuis toujours.

L’œil sans cesse à l’affût du moindre petit détail concernant l’Afrique de près ou de loin, Charles a un matin vu, sur la boîte du cacao qu’il se prépare au petit déjeuner, une annonce pour un concours dont le premier prix était un safari en Afrique.

Chanceux Charles ! Il a participé… et a gagné !!! C’est ainsi qu’un beau matin, il a pris l’avion en direction de Cotonou, au Bénin, en Afrique de l’ouest. Tout venant à point à qui sait attendre, enfin il allait fouler la terre africaine ! Chanceux Charles, disais-je… Chanceux ? C’était à voir. Car il y a l’Afrique qu’on imagine, et l’Afrique, la vraie. Gonflé de l’expérience qu’il croyait avoir du continent noir, notre homme allait bientôt être confronté à des petits tracas comme peuvent en connaître les touristes en son genre…
 

Par sylvestre, le 14 mai 2010

Notre avis sur Bonne arrivée à Cotonou

Kùabò ! C’est ainsi que l’on est accueilli à Cotonou où la langue fon est bien plus parlée que le français qui, pourtant, a valeur de langue officielle. Kùabò ! Bonne arrivée ! Quels mots réconfortants pour le yovo (l’étranger) qui y arrive pour la première fois, surpris par la moiteur de l’air et un brin angoissé dans l’attente de découvrir, après que son avion s’est posé de nuit, à quoi ressemblent les choses lorsqu’elles sont dans la lumière du jour !

Charles est un peu comme cela, aussi, dans son genre… Persuadé que l’habit fait le moine (en l’occurrence que la passion fait la connaissance), ce anti-héros veut en quelques sortes, grâce au séjour qu’il a gagné, valider les certitudes qu’il s’est forgées depuis toujours. Son aventure commence avant de fouler le sol béninois, à Paris, au contact de ressortissants de ce pays d’Afrique qui y retournent. Et là… Ô décalage ! Non, je ne parle pas du décalage horaire, mais bien de ce décalage dont vont jouer à fond les auteurs, ce décalage entre l’arrivisme du touriste de base et la réalité d’un endroit où il va se conduire comme s’il était chez lui mais où ceux qui le reçoivent sauront jouer de sa profonde méconnaissance du sujet pour le mener par le bout du nez ou se moquer de lui. Brochette de gags au programme, vous vous en doutez.

Mais Bonne arrivée à Cotonou est une lecture à deux vitesses et malheureusement, aucune des deux n’est complètement satisfaisante. Je m’explique…

D’un côté, il y a ceux qui verront en cette bande dessinée une simple comédie drolatique. Ils s’amuseront des déconvenues de Charles qui, en parfait pigeon, tombe dans tous les pièges, et ils applaudiront le côté original tirant sa force de cette confrontation entre deux cultures différentes. Mais le plaisir sera contenu, parce que l’exagération dans l’humour est palpable et le crédit à apporter à l’histoire restera donc superficiel.

De l’autre côté, il y a ceux qui iront vers cette BD parce que son titre est promesse de choses précises et parce qu’ils souhaiteront retrouver dans le récit des souvenirs de leurs propres voyages. C’est d’ailleurs un premier point, ce titre… Bonne arrivée à Cotonou, ce n’est pas : Bonne arrivée en Afrique ou Bonne arrivée à [un nom imaginaire]. Ceux qui ont visité le Bénin voudront donc trouver dans les pages de cet album de l’authentique.

Oh, il y en a de l’authentique, là n’est pas la question. Il y a les typiques zémidjans (les taxis-moto), il y a le régional agouti, il y a les moustiques, les paillotes sur la plage et les scènes de rues… Mais il y a aussi le fait que très vite, l’histoire déménage vers le parc de la Pendjari, dans l’extrême nord du Bénin, ce qui nous éloigne de Cotonou. Et il y aussi beaucoup de situations qui nous détournent du côté documentaire (même si je sais bien que ce n’était pas le but premier des auteurs) : l’inutile scène de l’automate crocodile qui fait durer une introduction déjà longue, différentes scènes avec des animaux, dans la réserve, qui s’étalent sur de nombreuses pages et qui éloignent du Bénin en cela que ces scènes auraient pu avoir lieu dans n’importe quel autre pays africain proposant des safaris. Enfin il y a surtout cette tendance à voir s’orienter l’humour (qui se veut bonenfant) en une certaine diabolisation du Béninois. A la fin de la lecture, on a en effet peur de devoir retenir que les Béninois sont tous des trafiquants de drogue, des voleurs et des mafiosi… Et c’est là où j’en reviens au titre, insistant sur le fait que si l’album s’était par exemple appelé Les déboires de Charles en Afrique, l’histoire serait restée au niveau de la comédie exotique, de la farce, et seuls ceux qui connaissent le Bénin auraient repéré des détails authentifiant ce pays. Mais en proposant aux lecteurs de partir précisément à Cotonou, la scénariste Anne Barrois et le dessinateur Jean-Christophe Chauzy n’ont pas dressé qu’un portrait comique de ce pays et ont pris la responsabilité de ce visage qu’ils ont voulu montrer du Bénin.

Je ne suis pas sûr que ces arguments seront compris mais je tenais néanmoins à dire que j’ai été déçu par la tournure du récit et que si je m’attendais bien à trouver certains gags obligatoires du registre "le touriste se fait avoir", j’aurais aimé que les Béninois nous soient montrés plus sympathiques. (Je serais curieux de savoir ce que les lecteurs béninois penseront de cette bande dessinée !)

A moins… Ah okêêêê ! A moins qu’Anne Barrois ait volontairement voulu "diaboliser" les Béninois et leur pays afin que tout le monde ne s’y rue pas et qu’elle puisse continuer d’y aller sans être embêtée par des flots de touristes de plus en plus gros ! Là, oui, je comprendrais mieux ! 😉

Allez, à vous de vous faire votre opinion, maintenant. Bon voyage, et… méfiez-vous du dentifrice !
 

Par Sylvestre, le 14 mai 2010

Publicité