Brassens ou la liberté

Quel déroutant et fascinant ouvrage ! Il se lit de prime abord comme une plongée narcissique dans les angoisses d’un auteur face à son sujet (mais que peut dire le dessinateur du chanteur), qui nous entraîne très vite dans un délire fantastique façon  Dans la peau de John Malkovitch , le tout vu par les enfants de l’auteur (très attachants et drôles, de parfaits guides). Brassens est encore vivant, il vit au Japon (double actualité !), et hante la création contemporaine avec sa pipe et sa guitare. Il émerge avec Django Renard ( !) d’un bestiaire bigarré presque Moebiusien.
Puis on comprend que nous avons en fait pénétré dans un musée. Avec ses longs passages biographiques très détaillés, cette plongée dans le Cette de l’enfance, ses extraits de mémoires, ses carnets de notes, ses photos souvenirs… Et rapidement, la BD onirique s’entremêle à la réalité historique. Brassens se mue en super Mario, la pipe se transforme en réacteur, le chanteur se change en démon et les notes en mélopées. Les repères s’effacent et l’emprise de l’œuvre sur le lecteur s’aggrave.
Il devient assez rapidement impossibles de lâcher cet ouvrage envoûtant. Mais 300 pages ! Il faudra bien sortir, et vous verrez à chaque coin de rue des moustachus à pipe, en polo improbable, guitare à la main, hanter votre voisinage.
Et finalement, emporté dans cette vague de souvenirs entremêlés, d’imaginaire, d’influences, on arrive à la camarde. Je me suis surpris à écraser une larme alors même que les derniers jours sont décrits en toute sobriété, et que je les connaissait déjà, preuve que cet incroyable livre a atteint sa cible : ressusciter par le dessin et la plume ce grand homme de la chanson et de notre histoire.
Ce  Brassens ou la liberté  est une réussite de bout en bout, et je foncerai tête baissée à l’exposition qu’il illustre à la première occasion.

Par TITO, le 15 mars 2011