BUONAPARTE
Sainte-Hélène

Le Centenaire de la Première Guerre Mondiale, et les innombrables publications qui l’ont accompagné, étant terminé, le Bicentenaire de la Mort de Napoléon prend le relai, nous amenant son cortège de bouquins divers et variés. A la baguette, ici, le talentueux Iván Gil, qui en plus maîtrise le sujet puisqu’il nous a déjà régalé avec La Bataille et Bérézina, deux séries éditées par Dupuis.

Ce premier tome commence sur l’île de Sainte-Hélène … par la mort de l’Empereur, entouré des derniers fidèles, dans la résidence de Longwood House. Le récit bascule ensuite sur celui qui va devenir en avril 1816 le gouverneur de l’île, Hudson Lowe. Rigoureux mais peu intelligent, antipathique, incapable de comprendre la personnalité de l’empereur, et auteur d’une carrière militaire peu glorieuse à la tête notamment d’un régiment de Corses qui avaient rejoint les Anglais, il a aussi combattu en Egypte. Il va fortement durcir les conditions de vies de l’empereur sur l’île, et accentuer la surveillance, participant à construire la légende d’un Napoléon martyre ! Le duel s’annonce aussi présent sur le papier !

Mais Buonaparte, nom volontairement utilisé par les Anglais pour rabaisser l’Empereur, ne prétend pas se borner à narrer les cinq années et sept mois passés par l’Ogre de Corse sur l’île. Il s’agit bien d’une fiction historique !
En effet, l’intrigue s’appuie sur la Campagne d’Egypte. Bonaparte souhaitait ainsi, en 1798, frapper la puissance commerciale de l’Angleterre, son empire d’outre-mer, ainsi que bloquer la route des Indes, avec comme modèle les conquêtes d’Alexandre le Grand ! L’Armée d’Orient est accompagnée de 167 représentants des sciences et des arts, afin, selon Bonaparte, de « régénérer la terre des pharaons et de la conquérir à la civilisation française ». Le duo de scénaristes, composé de Rudy Miel et de l’historienne Fabienne Pigière (ils avaient déjà collaboré sur la série Libertalia de Paulo Grella), utilise cette expédition d’Egypte comme origine d’un prétendu trésor aux mains de Napoléon, qui s’annonce comme l’objet de toutes les convoitises ! Mamelouks, chameaux, soldats français donnent de belles planches sous la main de l’Espagnol !

Les personnages principaux, Lowe et Napoléon en premier lieu, et le contexte historique donné aux appétences pécuniaires de certains, ne sont pas les seuls à être présentés dans ce tome ! Les fidèles accompagnant le petit Caporal ne sont pas oubliés, et ceci dès la traversée sur le Northumberland : le Comte Bertrand, qui a participé à toutes les campagnes, depuis celles d’Italie, le Comte de Montholon, alors ruiné et couvert de dettes, accompagné de sa femme Albine, qui deviendra la maîtresse de l’Empereur, et ici avant même la côte atteinte, le jeune et énergique Gaspard Gourgaud, brillant mathématicien, qui a sauvé Napoléon de la mort en découvrant au Kremlin un dépôt de poudre, et bien sûr Las Cases, qui convainc le Père la Violette que, comme tout grand homme, il doit écrire ses mémoires !

Le trait précis et réaliste de Gil excelle, tant dans la vie et la profondeur d’âme qu’il arrive à donner à ses personnages, que dans le soin accordé à l’ensemble des uniformes et des armes !
Ce premier tome pose avec brio les acteurs et l’intrigue de la pièce qui va se jouer lors de ce dernier exil. Ne doutons pas que ce qui va suivre va être passionnant !

Buonaparte – Sainte-Hélène comblera les amateurs de la période, comme les lecteurs qui attendent aventures et intrigues d’une fiction intelligemment enracinée dans un contexte historique solide, et restitué avec talents graphiques et scénaristiques !

Par V. DEGACHE, le 4 mai 2021