CASTI. Quand l'État mutile.
Alors qu’il était tranquillement assis avec un ami à la terrasse d’une buvette située non loin du stade de la Mosson où allait se jouer un match opposant Montpellier à Saint-Etienne, Florent Castineira s’est pris dans l’œil un projectile tiré depuis le flashball d’un policier. Son œil a explosé et n’a jamais pu être récupéré, laissant Florent borgne et assoiffé de justice. Son combat pour être reconnu victime d’une bavure policière a été un chemin de croix qui nous est ici raconté.
Par sylvestre, le 30 octobre 2023
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dessinateur :
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Coloriste :
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Éditeur :
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ISBN :
9782413049401
Notre avis sur CASTI. Quand l’État mutile.
Il se trouve que Florent est supporter de foot et qu’il était encore, le jour de l’accident qui lui a coûté un œil, interdit de stade pour quelques jours ; ceci pour avoir, un an auparavant, fait entrer des fumigènes dans l’enceinte d’un stade, ce qui n’est pas autorisé. Bref, pour la police (faisons succinct), c’était un fauteur de troubles. Fauteur de troubles un jour, fauteur de troubles toujours. Or, ce fameux jour où il est devenu borgne, c’était un citoyen lambda qui était en train de boire un coup avec un pote. Y’avait pas marqué « Ultra excité » ou « Fouteur de merde » sur son front. N’importe qui donc, sur le siège qu’il occupait, aurait pu être la malheureuse victime du tir de flashball dont il a été la cible… L’émotion qu’a suscité son accident a très vite remué les foules autour et les policiers présents sur la zone ont dû essuyer des jets de canettes et autres projectiles qui se trouvaient à portée de mains. Un prêté pour un rendu, quoi. Des échauffourées que la police allait dénoncer pour justifier leur attitude et tenter de faire oublier leur bavure à l’origine de tout ce grabuge.
Le problème, c’est que le statut de supporter de football de Florent « Casti » Castineira a défavorablement joué en sa faveur en plus du fait (majeur) que lorsqu’il s’agit de bavures de la police, la justice semble toujours plus prompte à vouloir noyer le poisson, voire à dissimuler des preuves à charge, qu’à reconnaître les fautes de la Police et, par extension, de l’État.
Le calvaire de Florent Castineira nous est conté dans cette intéressante autant qu’éloquente bande dessinée et force est de constater qu’on a malheureusement, lecteurs, tendance à ne pas être vraiment surpris par ce qu’on y découvre. Depuis que des flashballs ont été largement attribués aux services de police, cette arme soi-disant non létale est en effet très souvent employée sur le terrain, berçant malheureusement ses utilisateurs dans l’illusion qu’aucune conséquence de son utilisation ne pourrait leur faire du tort puisqu’il s’agit d’une arme inoffensive à laquelle leur hiérarchie les invite à avoir recours. Mais la logique des statistiques est là et bien évidemment, plus ces armes sont utilisées, plus elles font de victimes. CQFD.
L’État se tire donc une balle dans le pied avec ces flashballs et sort, lorsqu’il s’agit de démêler les situations devant les tribunaux, son hypocrite cavalerie ; usant de moyens déloyaux pour faire taire les plaignants, les impressionner, les écraser, les user et les contraindre à « déposer les armes » (si je puis me permettre…)
Soyez attentifs à l’actualité et vous observerez que des bavures comme celle dont Casti a été victime sont de plus en plus fréquentes, que les policiers bénéficient toujours de la présomption d’innocence quand leurs victimes sont elles forcément et avant tout de dangereux délinquants, que ces affaires se terminent souvent par la prononciation de non-lieux en faveur des policiers fautifs… Injustice !, souvent… Très souvent. Trop souvent.
D’où le témoignage des victimes, des familles, des associations qui se montent les unes après les autres alors qu’après chaque fait divers de cet ordre on entend les sempiternels « Plus jamais ça ! »… La France est malade d’avoir parfois une police ou une justice à deux vitesses.
Cette BD rapporte un cas concret et édifiant qui met mal à l’aise. Mise en couleurs par Kathrine Avraam, cette bande dessinée dessinée par Aurel met en images l’enquête qu’ont réalisée Antoine Aubry et Laura Kotelnikoff-Béart à la lumière du témoignage du principal intéressé, Florent Castineira, qui, depuis, a fait de la lutte contre les injustices policières son combat.
Par Sylvestre, le 30 octobre 2023