Celle qui parle

L’Espagnole Alicia Jaraba nous propose un ambitieux album qui tente de raconter la vie de celle qui deviendra l’interprète et la femme d’Hernan Cortès, La Malinche, et cela en comblant les nombreux vides dans la biographie de cette femme.
Native du village d’Oluta, fille du cacique Yul emporté par les Mexicas, et vivant perpétuellement avec la peur des incursions de ceux-ci pour capturer les habitants nécessaires aux sacrifices religieux, Malinalli est dès son plus jeune âgée initiée à la pratique de la langue nahuatl, puis vendue par des marchands d’esclaves aux Mayas, dont elle va aussi apprendre le dialecte, avant l’arrivée des conquistadors d’Hernan Cortès en 1519, dont elle va devenir la traductrice et collaboratrice, devenant Doña Marina, puis Malintzin (La Malinche).

Les choix graphiques de l’auteure sont efficaces, provoquant immédiatement de l’empathie envers cette galerie de personnages. L’ambition de retracer la vie de ce personnage encore aujourd’hui controversé, à la fois femme emblématique de l’histoire et de la genèse de la nation mexicaine, mais aussi incarnant la figure du traitre, à la solde du colonisateur, est réussie.
On suit avec un grand plaisir le parcours émaillé d’obstacles de la jeune femme, qui parvient à s’affirmer grâce à la maîtrise des langues, et finit par jouer un rôle politique comme conseillère aux côtés d’un Cortès fin stratège, utilisant les dissensions entre tribus, et menant à bien son entreprise d’acculturation, jusqu’à faire tomber Tenochtitlan et son empereur Moctezuma.
Cette trajectoire individuelle est de plus parfaitement insérée par l’auteure dans l’histoire de la conquête du Mexique par les Espagnols, et ceci dans une narration fluide.

Celle qui parle est le récit d’une femme forte, parvenant à devenir indispensable, et merveilleusement conté par Alicia Jaraba ! Une réussite !

Par V. DEGACHE, le 20 mars 2022