Cette ville te tuera
Ce premier volume de l’anthologie présente vingt-trois histoires écrites et dessinées par Yoshihiro Tatsumiu entre 1968 et 1970.
L’artiste montre la réalité du quotidien, selon les principes du gekiga (dessins dramatiques) qu’il développe dès la fin des années 1950. Il décrit dans ses histoires la réalité des petites gens, qu’ils soient travailleurs en usine, mécaniciens, prostituées etc. Le monde qui nous est décrit est désillusionné, marqué par l’occupation américaine, par les stigmates de la guerre et des restrictions.
Chaque récit décortique impitoyablement les drames de ces vies, ces illusions perdues qui font battre les cœurs, ces personnages qui se heurtent à leur propre existence, résignés devant cette société qui ne leur offre plus aucun salut…
Par fredgri, le 29 août 2015
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Scénariste :
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dessinateur :
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Éditeur :
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Genre s :
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Sortie :
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ISBN :
9782360810949
Notre avis sur Cette ville te tuera
Les éditions Cornélius entreprennent avec ce volume d’entamer la plus grande anthologie, le plus exhaustivement possible, de l’œuvre de Yoshihiro Tatsumi afin de réhabiliter le travail de ce géant du manga, trop injustement méconnu du grand public !
Yoshihiro Tatsumi est né en 1935. Très jeune il se passionne pour la bande dessinée. Il finit par rencontrer son maître Osamu Tezuka qui l’encourage à se lancer. Dans les années 50, il invente le terme "gekiga", qui va dorénavant désigner une bande dessinée plus adulte, plus ancrée dans un réalisme moins naïf et moins bassement positiviste que ce qui se voit alors à l’époque. Le "gekiga" va alors révolutionner le manga en influençant la scène indépendante, ouvrant de nouvelles perspectives à une génération d’auteurs, notamment par le biais de magazines avant gardistes comme Garo (créé en 64, qui a accueilli des auteurs comme Sampeï Shitaro (Kamui Den), Shigeru Mizuki (Kitaro le repoussant) ou Gōseki Kojima (Lone wolf and Cub)…
Dès lors les histoires de Tatsumi seront publiées sous forme de feuilletons dans de nombreux magazines. En France, il faudra attendre la fin des années 70, avec la revue "Le cri qui tue" pour découvrir ses récits.
Et même si aujourd’hui Yoshihiro Tatsumi est considéré comme l’un des maîtres du manga, sa production est néanmoins cantonné à des publication indépendantes, plus confidentielles ! Il faut dire que son univers est sombre, désœuvré, que ses courts récits dépeignent un réalisme cru, souvent traversé par des symboles qui peuvent déstabiliser. Je pense notamment aux innombrables corps d’enfants que les héros ramassent dans les égouts ou dans les fosses septiques (il faut préciser qu’en 1948 est instaurée la fameuse "Loi Eugénique" qui limite les naissances au Japon, provoquant alors un certain nombre d’avortements, puis dès 54 est installée une politique nationale de planification de la famille qui encourageait vivement la pratique de la contraception…), avec un rapport assez décalé au sexe, à l’acte lui même, voir presque malsain.
De plus, les récits présentés dans ce volume ne se referment pratiquement jamais sur des conclusions moralisatrices et le propos est souvent assez ambigüe, voir des plus opaques. Il n’est pas toujours très facile de simplement distinguer le propos, si ce n’est cette insistance a rendre un réalisme cru, sans fioriture ou les personnages évoluent dans un monde très terre à terre, ou on subsistent, ou l’on tente de construire une vie de couple, sans pour autant se nourrir d’illusion !
Ce portrait reste intéressant par son aspect assez sec et froid. Les personnages sont majoritairement inexpressifs, se ressemblent tous et Tatsumi est avare d’effets de cadrage. Toutefois on est en quelque sorte happé par ces récits courts qui nous emportent au creux de cette société d’après guerre plongée dans l’occupation, humiliée et résignée.
C’est un formidable document qui contre balance incroyablement la tendance extrêmement optimiste et enthousiaste des mangas de l’époque. Une intéressante façon de redécouvrir un des grands maîtres incontesté du manga indépendant, en tout cas !
Alors je ne dis pas que c’est à mettre en toutes les mains, loin de là, juste que si vous êtes un tantinet curieux de découvrir une autre facette de cette production japonaise, il n’y a pas de meilleur moyen que de dévorer de ce pas cette anthologie qui ne laisse réellement pas indifférent !
Avis aux amateurs !
Par FredGri, le 29 août 2015