Clandestino - Un reportage d'Hubert Paris
Pour réaliser un reportage sur l’immigration clandestine commandé par la rédaction du magazine pour lequel il travaille, Hubert Paris va se rendre en Algérie et enchaîner là-bas rencontres, rendez-vous et interviews. Parmi les gens qu’il va interroger, deux hommes se présenteront à lui comme des candidats au voyage : l’un va tenter de gagner l’El Dorado européen dans une "patera" (une barque), et l’autre sous un camion… Hubert va alors prendre un billet pour l’Espagne où il va se mettre à la recherche des deux hommes ; savoir s’ils ont réussi ou non, dans quelles conditions, et avec quelles perspectives…
Par sylvestre, le 12 janvier 2014
Notre avis sur Clandestino – Un reportage d’Hubert Paris
Ils sont nombreux, les candidats au voyage ; et ce malgré les risques qu’ils sont prêts à encourir ! Les journaux télévisés ont beau se faire régulièrement l’écho des drames qui se jouent au large des côtes italiennes ou espagnoles, rien n’arrête les malheureux qui ont tout laissé derrière eux et affluent jusqu’aux plages de la Méditerranée africaine dans l’espoir d’aller vivre de l’autre côté. C’est dire si la misère qu’ils souhaitent quitter est grande. Aussi grande que l’espoir qui les anime.
Clandestino n’est pas un reportage sur la traversée en barque ou sur celle effectuée entre les essieux d’un poids lourd. C’est plutôt la découverte d’une autre facette du "phénomène émigration" ; une découverte que l’on fait en même temps que le héros Hubert Paris : celle qui nous fait mesurer ce que la plupart des clandestins laissent et l’avenir qui les guette. Dans cette bande dessinée, l’Européen en prend pour son grade : les auteurs ne jugent finalement pas ces sans-papiers qui parviennent à passer et tentent de survivre chez nous… Ils pointent plutôt du doigt les réseaux européens qui accueillent les émigrés et les utilisent comme main d’œuvre à bas coût (pour ne pas dire comme esclaves) et dénoncent les conditions de travail dans lesquelles sont exploités les transfuges. Ce qui nous place dans le panier des maquereaux, nous qui apprécions de payer le moins cher possible des mandarines et autres fruits et légumes cultivés dans le sud de l’Espagne par de pauvres miraculés déracinés.
Le ton n’est pas pour autant misérabiliste, même si le constat reste ce qu’il est. Et c’est au personnage Hubert Paris, à son tempérament et à ses défauts que l’on doit cela. Grâce à lui, le grave est équilibré par du plus léger et ses questions de découvreur éberlué éloignent le récit d’un reportage froidement chiffré. Les gens que Hubert Paris croise nous permettent aussi de mieux cerner le bonhomme et la situation. La BD est grâce à eux très dialoguée, bien rythmée et fait passer messages, informations et idées en même temps qu’elle pousse à la réflexion et à l’ouverture des yeux et de l’esprit.
Clandestino est une bande dessinée donnant des airs de simplicité à l’exposé d’un problème complexe. Et qui nous rappelle – en passant – que c’est tout près de chez nous que cela se passe.
Par Sylvestre, le 12 janvier 2014