Colibri

« Avant l’homme, il y a la forêt. Après lui, il y a le désert. » Mais… et pendant ?

Pendant ? Il y a cette jungle qu’il bâtit, cette déferlante de béton qui efface la nature, ce broyeur d’âmes : la ville. La ville et sa démesure dans laquelle se concentre tout le monde sans pourtant vraiment s’y croiser. La ville dont le bruit incessant attaque les nerfs et le moral. La ville contre qui on peut de moins en moins, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il est trop tard…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

Notre avis sur Colibri

C’est un tableau très pessimiste de l’œuvre de l’humain en tant que constructeur que peint Guillaume Trouillard dans sa bande dessinée Colibri. A moins que ça ne soit plutôt une incitation à la réflexion… Même si les premières planches nous invitent dans une forêt aux allures de territoire impénétrable, on y rencontre vite l’Homme et l’empreinte qu’il inscrit dans son environnement. C’est tout d’abord symbolisé par le bruit…

Puis on glisse rapidement dans un monde ultra moderne, dans un décor qu’on pourrait situer dans une Asie à peine fantasmée aux nombreux repères nous rappelant cependant la France, l’Europe, comme pour signifier que toute la planète est concernée par le message.

Ensuite, on est brinquebalé dans les tourments et les tourbillons de cette vie dans la folie humaine, dans cette société où l’identité est mise à mal, où le poli n’accède pas à ses requêtes, où les uns écrasent les autres, où l’on ne se retrouve plus…

Côté graphisme, on salue le travail de l’artiste. Mon premier contact avec la première planche a été tactile plutôt que visuel : j’ai porté le doigt sur les zones blanchies au correcteur, comme pour m’assurer que le relief que ma peau attendait n’y était (logiquement) pas !!! Et mes yeux ont pris le relais, s’emplissant des grandes surfaces peintes qui s’offraient à eux.

Tout en peinture. Colibri est tout en tremblements, en nuances de couleurs, en force des tons, aussi. Et cette puissance graphique (plus ou moins facile d’accès, quand même, il faut le reconnaître) est entièrement mise au service d’un rythme fou calqué sur la notion de fourmilière attribuée à la mégapole dans laquelle on évolue butinant de personnage en personnage et de situation en situation.

Des intercalaires existent, aussi, tels cette succession de panneaux publicitaires ou cette série de pictogrammes résumant bien l’action de l’Homme sur la nature dans laquelle il n’était au départ qu’un invité… Loin de casser le rythme, ces intercalaires le relancent de plus belle, plutôt, jusqu’à nous amener à la dernière séquence, une conclusion faisant en quelques vignettes le point sur la condition de l’être humain, pris à ses propres pièges.

Colibri est une œuvre fascinante qui n’a pas échappé aux lecteurs de Libération qui lui ont attribué leur prix (Le prix des lecteurs de Libération) en 2008. C’est en outre un très bel ouvrage qui fait la fierté de son auteur et de sa maison d’édition Les éditions de la Cerise.

Guillaume Trouillard signe là un album qui le classe naturellement parmi les nouveaux talents à suivre…
 

Par Sylvestre, le 5 juin 2008

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