COLONNE (LA)
Exterminez-moi toutes ces brutes

Inexorablement la colonne avance laissant derrière elle des milliers de cadavres. Inexorablement l’Afrique exerce ses charmes (pour certains maléfiques) sur Boulet et Lemoine.

Par melville, le 28 septembre 2014

Notre avis sur COLONNE (LA) #2 – Exterminez-moi toutes ces brutes

Une partie de l’action du premier tome se déroulait en France. On assistait à la naissance de l’esprit de colonne sur les trottoirs de Paris, un « esprit blanc » aux aspirations de mythes africains. Ce second tome s’ouvre avec le massacre d’un village africain. Animés par une furie sanguinaire, une sauvagerie mystique qui les aveugle, les officiers de la colonne perdent peu à peu la raison. Et notamment Boulet qui tel le berserk des scandinaves côtoie en rêve Napoléon le dieu de la guerre des blancs. Toujours avec une grande habileté et sans donner de leçon, le scénariste Christophe Dabitch poursuit et conclu son travail de fiction très documentée autour d’un évènement qui a fait l’Histoire. Propos formidablement mis en images (dessins et couleurs) par Nicolas Dumontheuil.

Le récit met en évidence l’absurdité de l’idéologie coloniale et les contradictions profondes qui animent les hommes qui en sont les acteurs directs. Boulet et Lemoine sont des militaires, des hommes de terrains. Loin des salons parisiens et de leur confort, assis face à l’immensité d’un paysage semi-désertique au crépuscule : « Nous avons largué les amarres, Boulet. Pour de bon cette fois [ils ont déserté l’armée] / […] / Tu n’as jamais rêvé, Lemoine, d’un monde débarrassé de tous les médiocres ? / J’y ai pensé, comme toi, mais je croyais que ce monde était possible dans l’armée. / Moi aussi, Lemoine, moi aussi. » (Extrait d’un dialogue entre Lemoine et Boulet, page 71).

Annoncé dans le premier tome par l’esprit de la colonne « je suis plus proche de Boulet au fond » (p. 27), cela se vérifie dans la seconde partie du récit. En rêve toujours, Boulet, comme vaincu par les forces mystiques de ce continent chamanique, renie Napoléon pour se tourner vers la Sarraounia (sorcière guerrière). Boulet veut devenir un homme noir, un roi africain. Symboliquement on le voit porter le masque de l’esprit de la colonne. Mais paradoxalement alors que Boulet devient la colonne, la colonne est formée principalement par des tirailleurs africains qui demeurent « lucides ». Ils obéissent à la France et non au maître autoproclamé de la colonne. Comme pour tentr d’oublier les mauvaises choses. Mais même si « les mauvaises choses ne servent à rien », ne les oublions pas. Voilà ce que nous dit au final cette série en deux tomes. A ne pas manquer !

Par melville, le 28 septembre 2014

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