COMÈS, LES ROMANS NOIR ET BLANC
1976 - 1984

(Sont rassemblés dans ce premier volume les albums: "L’Ombre du corbeau", "Silence", "La belette" et "Eva", ainsi que quelques courts récits: "La nuit du sorcier", "Scarabée cassé" (paru dans le (A suivre) spécial John Lennon), et "En mémoire d’Hergé" paru dans le (A Suivre) spécial Hergé) )
Avec cette compilation, nous redécouvrons les premiers romans graphiques en noir et blanc de Comès, cet incroyable artiste qui nous fascinait avec son sublime "Silence", l’histoire d’un simple d’esprit qui vit dans un petit village où la sorcellerie et la superstitions servent à cacher un terrible secret. Nous retrouvons aussi "L’Ombre du Corbeau", une sorte de conte fantastique se déroulant pendant la première guerre mondiale, ou le jeune Goetz rencontre la mort. Puis il y a l’évident "La Belette", qui revient sur des ambiances rurales teinté de fantastique et de rites païens… Le volume se conclue avec "Eva", une étonnante histoire de jumeaux, de sensualité et de folie…

Par fredgri, le 14 septembre 2020

Notre avis sur COMÈS, LES ROMANS NOIR ET BLANC #1 – 1976 – 1984

Il est enfin temps de redécouvrir le génie de Didier Comès ! Un artiste qui sût brillamment forger son style inimitable, extrêmement contrasté, aux ambiances particulièrement expressionnistes.
Nous retrouvons donc ici ses œuvres en noir et blanc, et c’est pour cette raison qu’il n’y figure pas les deux albums mettant en scène Ergün l’errant, en particulier ! Toutefois, il faut bien admettre que pour l’occasion, le noir et blanc est juste parfait, il met merveilleusement en avant la beauté des planches de Silence, de La Belette ou d’Eva, accentuant les composition, l’art de la lumière, des ombres, c’est magnifique !
On sent l’apport de Pratt sur ces pages, de Tardi aussi, avec ces personnages inexpressifs qui traversent des paysages ruraux, rudes et desséchés !

Mais c’est surtout l’occasion de redécouvrir des albums devenus des classiques, avec le temps, des chef d’œuvres qui ont marqué des générations de lecteurs !

Ainsi, le volume commence avec l’excellent et troublant "L’ombre du corbeau", Comès n’a pas encore son style plus épais, son trait est fin, avec une façon très soignée de texturer ses ombres. C’est beau, très esthétique, on y trouverait même un peu d’Andréas dans ces planches construites avec virtuosité. Le scénario nous entraîne dans un univers malgré tout assez sombre, sur les champs de bataille de la guerre 14-18, dans la Meuse. Un jeune soldat allemand, Goetz Von Berlichingen, se relève après une violente explosion, alors qu’il se croit mort, il rencontre une mystérieuse famille qui semble épargnée par l’enfer qui se déchaîne partout autour d’elle. Commence alors pour Goetz un voyage onirique troublant et édifiant ! Le scénario reste parfois cryptique, mais on devine que Comès place déjà ses premières thématiques sur la croyance, sur le rapport de l’homme avec le mystique…

Et "Silence" vient complètement entériner cette impression. Le héros, gentil "benêt" qui subit la violence de son père adoptif en ignorant son histoire et qui se retrouve au milieu d’un règlement de compte mêlant sorcellerie et vengeance familiale. Le style de l’artiste s’impose dès les premières planches avec une maîtrise des cadrages, de la mise en scène qui impressionnent. Son trait s’est radicalement transformé au contact de Pratt, les contrastes sont très fortement marqués et les ambiances rurales sont des plus fascinantes ! Comès se révèle un narrateur très inspiré par les contes campagnards teintés d’animaux totémiques, de formules magiques, de rumeurs, d’envoutements, de malédictions et Silence préfigure cette innocence qui servira de révélateur à tout le reste, comme dans la Belette…
En parallèle, Comès échappe aussi aux formules toutes faites, aux codes narratifs. Ses personnages sont rugueux, loin du manichéisme habituel. Ils ne s’en sortent pas forcément, il subissent et parfois périssent avant que le récit ne soit véritablement terminé ! On est donc subjugué par la force de ces récits, bouleversé par ces destins, ces "aventures" sans concession !

Pour "La Belette", Comès reprend les ambiances rurales de "Silence", une famille de citadins vient de racheter une maison à la campagne, et très vite la cohabitation avec les voisins s’avère compliquée… Comès amplifie le côté mystique, en opposant cette fois le curé local aux pratiques païennes d’une famille qui voue un culte à Demeter, la déesse-mère. Le discours est assez transparent, l’hermétisme obtus du curé et les pratiques généreuses de la Belette et son père. Néanmoins, ce combat fanatique se transcende au travers de la mère et de son fils autiste qui se révèle avec les incantations, pour finalement se perdre dans les divers égos qui s’opposent ! Une très belle œuvre, profonde et émouvante !

Mais je dois dire qu’avec Eva, Comès atteint un autre sommet, celle de la perfection formelle ! Dès les premières cases, on découvre une construction extrêmement précise ou les cadrages sont particulièrement pensés, comme l’équilibre des constructions avec les plages de noir, les regards ! Un album vraiment envoutant !

Ce volume, c’est l’occasion, pour Casterman, d’amener quelques petits récits courts, ayant été publiés deçi delà dans (A suivre). On a aussi droit aux deux premières planches de la suite de "L’Ombre du corbeau", projet annulé dans l’œuf. Ainsi que deux courtes histoires en hommage à John Lennon et Hergé !!!

S’il y a en ce moment une Intégrale à récupérer c’est bien celle-ci. Le second volume est sorti en même temps, il reprend les histoires en noir et blanc parues 1987 et 2006. Alors n’hésitez plus, redécouvrez vous aussi le génie de Didier Comès !

Par FredGri, le 14 septembre 2020

Publicité