Corps en grève

Feyzin, 1973. Le bidonville de la banlieue lyonnaise est menacé d’être rasé par les autorités. Les immigrés « sans-papiers » sont ainsi susceptibles d’être renvoyés dans leur pays. 27 d’entre eux vont alors débuter une grève de la faim pour obtenir leur régularisation, aidés par un collectif de militants français.

Par v-degache, le 16 avril 2024

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Notre avis sur Corps en grève

En 1973, la France compte quatre millions d’étrangers, dont un nombre important en Rhône-Alpes. Les Trente Glorieuses étant bientôt du passé, le nombre de chômeurs augmentant, le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas tente de limiter de plus en plus les arrivées dans l’Hexagone. En décembre 1972 rentrent en vigueur les Circulaires Marcellin-Fontanet avec pour objectif de diminuer l’entrée de travailleurs étrangers en France. La délivrance d’un titre de séjour est désormais assujettie à la présentation d’un contrat dans une entreprise ainsi qu’à un justificatif de logement.

Lorsqu’en mars 1973 le bidonville de Feyzin, banlieue de Lyon de 5000 habitants, est menacé de fermeture, 27 travailleurs tunisiens entament une grève de la faim pour la régularisation de leurs papiers, soutenus par des militants français.

Bidonville de Feyzin

Amandine Wadre Puntous (dessin) et Valentine Boucq (scénario) nous font revivre ces semaines de lutte, ce véritable bras de fer avec la préfecture, où des hommes vont utiliser leur corps comme objet de pression. Vivant dans des conditions déplorables, et mettant leurs bras au service d’une Nation pour des salaires dérisoires, ils vont être épaulés dans cette épreuve par l’organisation maoïste Front Rouge, puis par des militants de la CFDT et du PSU. On suit alors chronologiquement les événements, de la difficulté à structurer le combat, en passant par les divisions, les intimidations du consulat tunisien, les semaines de doutes et d’espoirs des grévistes de la faim regroupés dans la cure de Saint-Pierre de Vaise, jusqu’au dénouement final.

Grévistes et leurs soutiens rassemblés à la cure de Saint-Pierre-de-Vaise

En 110 pages, les auteures parviennent à saisir avec précision et justesse ces multiples problématiques d’un mouvement qui va réussir peu à peu à convaincre l’opinion publique, et surtout l’aspect humaniste de la lutte. Les dialogues de Valentine Boucq sont rythmés, le récit fluide, le dessin réaliste et expressif d’Amandine Wadre Puntous nous faisant pleinement rentrer dans l’histoire.

Un dossier historique complète justement la BD.

Corps en grève est un récit-témoignage réussi et prenant de ces luttes emblématiques des années 1970 des travailleurs « sans-papiers », qui toucheront également d’autres villes.

Par V. DEGACHE, le 16 avril 2024

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