Cruelle

De Buenos Aires à la Champagne Ardenne, de la Guadeloupe à Lyon, Florence et sa famille ont souvent déménagé au gré des mutations professionnelles de leur père. Mais peu importe l’endroit, la petite fille a une obsession : celle de faire souffrir les animaux. Que ce soit sa propre cruauté, celle d’autres personnes ou que cela vienne de “la nature”.

Par geoffrey, le 30 novembre 2023

Notre avis sur Cruelle

Le parcours d’un tueur psychopathe démarre généralement très tôt et commence par de la maltraitance sur les animaux. C’est en substance ce que nous enseigne le roman graphique Mon ami Dahmer de Derf BACKDERF.

Dans le cas de Florence Dupré La Tour, on est heureux qu’elle ait réussi à percer en bande dessinée, puisqu’en cas d’échec, on n’imagine pas quel génocide elle aurait provoqué, ni quelle carrière de tueuse en série elle aurait pu embrasser.

En effet, l’autrice passe aux aveux dans Cruelle. À partir de ses 7 ans, elle a maltraité de nombreux animaux : des cochons d’Inde, une oie, des lapins, des chats, une tortue, des souris ou des poules. Elle les a mis en hauteur pour qu’ils chutent, leur a roulé délibérément dessus en vélo, coupé la tête avec une pelle, les a secoué en les tirant par le cou ou les a volontairement affamé. Florence a fait preuve d’une imagination débordante en matière de souffrance.

Naturellement, les sévices qu’elle inflige à des mammifères sans défense la font s’interroger sur son humanité. Mais au fond d’elle, des pulsions sont à l’œuvre : “je désire sourdement planter mes crocs dans la chair palpitante et me gorger de sang”, confesse-t-elle.

Ayant grandi dans un milieu croyant et pratiquant – un point commun avec un certain Xavier Dupont de Ligonnès – elle continue tout au long de cet album, présenté comme le premier tome d’une trilogie autobiographique, à infliger supplices et mort sans remords.

Sous forme d’histoires courtes, ces souvenirs sont racontés à l’aide d’un dessin en noir et blanc sans charme particulier, à l’image des visages des personnages, certains plats, d’autres “animalisés”, d’autres encore caricaturés (sorcière, gros nez…). C’est que le trait charbonneux et jeté (on sent l’influence d’un Sfar ou d’un Trondheim) est tout entier au service des 200 pages de narration.

Cruelle n’est pourtant pas une bande dessinée à mettre dans toutes les mains. Sa lecture est éprouvante. La cruauté développée de la première à la dernière planche avec une passion constante est à réserver à des lecteurs avertis, sinon armés d’un sens de l’humour de 9ème zone. Celle de l’Enfer.

Par Geoffrey, le 30 novembre 2023

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