Cynthia Ann, coeur enterré deux fois

En 1836, Cynthia Ann, alors âgée de 9 ans, vit avec sa famille de colons à Fort Parker dans le Texas. Lors d’une attaque comanche, elle est enlevée douloureusement à ses parents. Quelques vingt-quatre ans plus tard, à Jacksboro, la jeune Anabel retrouve son père après que celui-ci ait fait un raid en territoire indien au Camp Cooper et récupéré une femme d’origine américaine avec un bébé. Cette femme, c’est Cynthia Ann et son enfant, c’est Topsannah, le dernier qu’elle a eue avec le chef Peta Nocona ! Surnommée Naduah par ses geôliers indiens, transformée psychologiquement et physiquement, cette dernière a été ramenée de force et ne communique pas. La pétillante Anabel, qui a quelques prédispositions de guérisseuse, tente de se rapprocher d’elle et par ce biais, essaye de comprendre ce qu’elle a vécu précédemment, depuis son rapt de Fort Parker. Avec beaucoup de tact, la jeune fille va découvrir alors une destinée dure, tourmentée par des déchirements familiaux consécutifs.

Par phibes, le 4 avril 2022

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Notre avis sur Cynthia Ann, coeur enterré deux fois

Alternant récits pour jeunesse et biographies entre autres (L’oncle Dolto, Georges Sand…), Séverine Vidal s’associe à Vincent Sorel, dessinateur ayant participé à des collectifs comme Les autres gens, La Revue dessinée, ou à des séries comme Histoire dessinée de la France, ou encore à des équipées comme L’Ours, Les aventures du Roi Singe, pour nous offrir une nouvelle biographie liée à un personnage dont la destinée a marqué, au 19ème, les esprits du Nouveau monde. Ce personnage, c’est donc Cynthia Ann Parker, une femme qui a connu dans son existence, deux séparations brutales, l’une avec sa famille durant sa jeunesse et l’autre avec ses anciens ravisseurs avec lesquels elle s’était reconstruite.

Il suffit de regarder le premier de couverture de cet album pour saisir déjà la puissance psychologique du récit et la douleur qu’il renferme. A partir d’un fait tragique (le massacre de Fort Parker en 1836), Séverine Vidal pointe du doigt le personnage dont il est question associé à un autre, de fiction, se nommant Anabel qui va en quelque sorte nous permettre de faire la connaissance de Cynthia Ann.

On ne manquera pas de se laisser emporter par cette évocation biographique, servie à la faveur d’un gros effort documentaire dans une sensibilité ambiante remarquable. Loin d’en faire une histoire du Far-West aventureuse et violente (comme dans Danse avec les loups, La prisonnière du désert…), la scénariste a opté pour une narration à la dimension humaine qui caractérise bien l’Ouest sauvage, suscitant des élans d’émotion particulièrement forts. Aussi, le tandem Anabel/Naduah fonctionne bien, mettant en exergue le calvaire vécu par deux fois par cette femme courageuse, partagée par des coups du sort, grâce à un choix de séquences explicites.

Cette sensibilité ambiante passe inévitablement par le dessin de Vincent Sorel. Usant d’un style assez épuré, l’artiste donne une version illustrée du destin de Naduah délicate, prévenante, qui se veut tendre avec ce personnage tourmenté, la rendant de fait des plus attendrissantes dans ses attitudes et ses expressions. On reste subjugué par l’intensité de son trait colorisé juste ce qu’il faut, délivrant un message particulièrement fort.

Une bien belle évocation biographique d’une femme de l’Ouest, de cette indienne blanche à la destinée tragique mais aussi symbolique.

Par Phibes, le 4 avril 2022

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