DERNIÈRE OMBRE (LA)
Chapitre II

Le premier volet de cette histoire concoctée par le scénariste Denis-Pierre Filippi réellement très en forme nous plongeait dans les ambiances de la seconde guerre côté russe et nous permettait de suivre, dans des pérégrinations dramatiques, une escouade de soldats dont certains blessés qui se réfugiait temporairement dans un manoir isolé. En ces lieux battus par un froid glacial, la petite troupe se mettait au diapason d’une maisonnée renfermant quelques mystères.

Ce deuxième volet nous replace dans les conditions tragiques de départ, assurément amplifiées par la mort illicite du lieutenant Kuliakov et diluées par les agissements secrets d’une petite communauté d’enfants témoins de l’arrivée des militaires. Cette fois-ci, la disette alimentaire a fait son chemin et des résolutions sont à prendre, bonnes et surtout mauvaises.

L’équipée guerrière monte d’un ton supplémentaire et nous entraîne dans une série de situations fortement animées que le scénariste gère avec brio, ne manquant pas de jouer sur la gravité de celles-ci, sur les décisions prises et sur les conséquences douloureuses qu’elles engendrent. A ce titre, Denis-Pierre Filippi n’épargne pas notre sensibilité, nous rendant témoins de scènes chocs et de révélations (les histoires de ces gamins à la force de caractère et de résistance impressionnante) ô combien éprouvantes. Par la même occasion, il rend désormais accessible la mystérieuse dernière ombre (qui suscitait bien des questions dans le tome 1) et la fait agir en guise de réponse au grand jour dans des effets qui n’éludent pas la violence inhérente à la guerre.

Ce récit guerrier passe par un jeu graphique particulièrement aiguisé. Gaspard Yvan qui signe son deuxième album grand public confirme son talent de dessinateur. Généreux dans les coups de crayon, l’artiste met en avant une grande sensibilité picturale qui marque profondément par son éclat, par son détail impressionnant mais aussi par sa violence quand elle se déclare. De fait, beaucoup d’émotions transparaissent dans ses vignettes suscitées par des personnages bien concluants et emportent favorablement le lecteur dans cet univers douloureux.

Une fin d’équipée de haute qualité où enfants et adultes partagent le même tourment, prégnante à tous niveaux. Messieurs les auteurs, on en redemande !

Par Phibes, le 10 mars 2022