Des étrangers dans les lavandes

Dans ce petit village provençal, tous se rendent bien compte que progressivement la jeunesse s’en va, s’ennuyant dans ces rues désertes, sans grand attrait. Le maire décide alors d’accueillir une petite communauté de réfugiés Cambodgiens afin de redynamiser le coin. Mais bien sur, les villageois, tout d’abord sceptiques, sont malgré tout curieux de voir ce que ça donnera, d’autant qu’ils seront hébergés par l’irascible Antoine, l’ermite du coin. Mais le vieil homme se laisse lui aussi prendre au jeu, surtout au contact du jeune Vityea qui lui rappelle son fils tué en Indochine…

Par fredgri, le 21 août 2024

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Notre avis sur Des étrangers dans les lavandes

Il y a toujours, à un moment donné, un album qui se distingue modestement, qui mériterait peut-être un peu plus d’attention, mais qui se révèle toutefois plein de subtilité simple et émouvante. Des Étrangers dans les lavandes est de ceux-là.
On devine qu’il risque de passer inaperçu au milieu des nouveautés qui menacent de tout engloutir très vite, et c’est pour cette raison qu’il est important de soutenir cette petite sortie qui vaut vraiment le détour.

On est transporté dans un petit village de Provence, dans les années 70, qui est de plus en plus délaissé par les jeunes générations qui préfèrent aller faire leur vie autre part. Les « vieux » désespèrent de voir leurs rues se vider, les champs tomber en jachère et l’espoir d’un renouveau disparaître. Le maire a alors l’idée de faire venir une petite communauté de réfugiés Cambodgiens pour s’occuper des champs de lavandes. On devine que ces « étrangers », qui rappellent quelques noirs souvenirs, ne provoquent pas l’enthousiasme au premier abord, que cette idée du maire c’est un peu n’importe quoi quand même, que bon, on va bien voir…
Malgré tout, cette idée c’est surtout une sorte de thérapie de choc pour l’ermite ronchon du coin, l’Antoine, qui ne sort plus trop de chez lui, qui semble faire sempiternellement la gueule, bloqué dans le souvenir de sa femme et de son fils mort à la guerre d’Indochine. Cependant, au contact d’un petit orphelin qui ne parle pas sa langue, le vieil homme voit sa carapace se fissurer lentement, au point ou il finit même par l’adopter officiellement.

Ainsi le scénario de cet album de 104 pages se déploie doucement devant nous, avec finesse, nous dévoilant un monde rugueux extérieurement, mais bourré de générosité intérieurement. C’est agréable de se laisser porter par ce lien qui s’est tissé autour de tous ces gens. Il y a, par exemple, le facteur qui roucoule avec la pulpeuse et très avenante madame Simon, le maire et sa femme Yvette qui se cachent dans leur chambre quand Antoine descend avec son fusil… Alors oui, il y a un peu de racisme dans ce patelin, mais un racisme de mémoire, pas bien dangereux, juste stupide, et d’ailleurs il ne tient pas très longtemps devant les faits accomplis.

Graphiquement, on retrouve la même énergie dans le trait d’Emmanuel Saint, une attention portée aux expressions, aux petits tiques des uns et des autres. Ici personne n’est vraiment beau, ni même flamboyant, mais tous ont ce naturel qui les rend chaleureux et affectueux. On s’attache à ces bouilles, à ces mimiques, on les connait, il s’agit du voisin, de cette silhouette que l’on croise en descendant chercher le pain ou encore cette dame croisée dans un bus… Dès les premières pages, on est conquis.

Un album qui mérite donc d’être mis en avant, ne serait-ce que pour garder le contact avec cette bande dessinée authentique et proche de nous.

Par FredGri, le 21 août 2024

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