Droit du sol

Ils sont innombrables, les « kwassa » qui accostent ou tentent d’accoster à Mayotte, regorgeant de passagers clandestins candidats à faire fortune sur ce petit territoire français de l’Océan Indien après avoir tout quitté de leur misère dans les îles voisines. Innombrables, malgré le risque qu’ils courent d’être interceptés par la Police Aux Frontières française et renvoyés tout de suite d’où ils viennent…

Arrivés eux à Mayotte par avion, les métropolitains vivent leur déracinement de différentes manières. Il y a ceux pour qui une promotion professionnelle s’est traduite par une prise de fonction sur cette île ou encore ceux qui viennent y faire de l’humanitaire… Il y a ceux qui y ont trouvé une raison d’y rester et ceux qui ne savent plus trop s’ils ne feraient pas mieux d’en partir…

Portraits de Mayotte, portraits de Français du bout du monde… Portraits de clandestins, aussi…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

Notre avis sur Droit du sol

Mayotte s’était distinguée des autres îles de l’archipel africain des Comores lorsqu’il s’était agi de se prononcer pour ou contre l’indépendance de l’archipel vis à vis de la France, puissance coloniale. En effet, elle fut la seule île à vouloir rester sous administration française, ce que la France a "entendu" en la gardant sous sa coupe, forçant son destin historique aux yeux de ses îles sœurs des Comores mais aussi des Nations Unies.

Depuis, Mayotte, française, a été privilégiée en terme de qualité de vie par rapports aux îles voisines des Comores ou encore de Madagascar, ce qui a attiré de nombreux émigrants clandestins de la région sur son sol ; des clandestins qui représentent à Mayotte près d’un quart de la population, des clandestins venant chercher fortune dans ce recoin de la république française où ils gagnent jusqu’à dix fois leur salaire d’ailleurs.

Il y a eu comme une scission entre les Mahorais et les Comoriens. Les premiers peuvent aujourd’hui reprocher aux seconds de n’avoir pas voulu, à l’époque, rester sous le drapeau français. Les seconds n’y sont aujourd’hui pour rien et risquent leur vie sur l’océan pour arriver sur cet eldorado qu’est Mayotte.

Droit du sol est paru quelques jours avant le 29 mars 2009, date à laquelle les habitants de Mayotte ont dû voter pour la départementalisation de leur île.

Son auteur, Charles Masson, est ORL de profession. On lui doit déjà deux titres dans cette collection Ecritures des éditions Casterman. Habitant à la Réunion, il est assurément quelqu’un dont le regard sur ce théâtre Mahorais est plus juste que celui de n’importe qui d’autre.

Il réussit avec ce titre à nous dresser un portrait de Mayotte en nous la montrant au travers les yeux de personnes y ayant vécu ou séjourné. Cette formule lui permet d’avoir une narration plurielle, empruntée à celui qui découvre la vie là-bas autant qu’à celui qui en sait trop. Le résultat est ainsi d’une richesse qui pourrait éventuellement se mesurer aussi au nombre de pages sur lesquelles il s’est étendu pour nous parler généreusement de Mayotte.

Charles Masson n’apporte pas de solution, ni ne juge personne. Il donne la parole à des gens qui n’ont pas tous le même point de vue, la même expérience. Il en profite aussi pour dévoiler le fond de sa pensée sur l’attitude et les méthodes des pions du gouvernement Sarkozy qui très tôt dans son mandat a braqué les lumières de l’actualité sur Mayotte et sur la Guyane qui étaient, en miniature, "des France envahies par ces étrangers qu’on doit refouler".

En noir et blanc et avec un style direct autant dans les mots que dans les traits, Droit du sol est un instantané original et très intéressant sur la condition d’une île et de ceux qui la font.
 

Par Sylvestre, le 25 mars 2009

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