DUSHA
La fille de l'hiver

Lors de la guerre russo-polonaise, un véhicule militaire transportant le Docteur Loujine spécialisé en neurologie se rend sur le front à destination d’un orphelinat isolée. Il y récupère une jeune fille, Martina, qui a des capacités extra-sensorielles hors norme. Au retour, il est freiné par une escouade de révolutionnaires au sein de laquelle la mutique Martina découvre le jeune Mijail. En 1937, ce dernier est devenu un champion de boxe en URSS et se prépare pour un cinquième titre au détriment de sa fille de 10 ans, Likha, qu’il ne voit que rarement. Placée entre les mains d’une pédagogue, Ludmila, la fillette mène une vie sage avec pour espoir que son père puisse venir lui rendre visite. Par ailleurs, au goulag Vorkouta, le détenu Loujine est convoqué au bureau central du NKVD par le Colonel Tselenko. Le militaire demande à l’ancien médecin de servir plus utilement l’Etat en relançant son projet abandonné YM et son programme sur les fameux Dusha, individus psychosurdoués capables d’influer sur l’esprit humain. Pour cela, le scientifique, affaibli par sa détention, va devoir reformer son équipe psychique en retrouvant certains de ses anciens auxiliaires.

Par phibes, le 19 avril 2023

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Notre avis sur DUSHA #1 – La fille de l’hiver

Deux ans après avoir illustré son diptyque historique « La part de l’ombre », Francisco Ruizgé revient pour un nouveau projet en deux volets qui, cette fois-ci, relate une intrigue historico-fantastique ayant pour base des expérimentations menées sur des enfants en URSS dans les années 30.

A l’appui d’une belle recherche historique, cette première partie donne l’opportunité à son auteur de le fondre dans cette ambiance à la russe de la pré-guerre pour le moins sombre, où le pouvoir politique en place va faire pression sur un neuropsychologue pour le pousser à reprendre ses travaux sur la psyché humaine et plus particulièrement sur les fameux « dusha ». Pour cela, l’auteur a décidé de raconter son histoire sous le couvert d’une articulation hachée, n’hésitant pas à jouer avec les époques distantes d’une quinzaine d’années en faisant de nombreux allers-retours.

Il en ressort une lecture évidemment cadencée qui, si elle a l’avantage d’être subtilement dense et glaçante, n’en est pas moins complexe à discerner en premier lieu. Tel un puzzle, les pièces de cette équipée fantastique sont alignées presque dirait-on aléatoirement (alors que l’on sait que c’est réfléchi) et trouvent un peu plus tard leur lien ou leur justification.

En parallèle des pérégrinations sportives et parentales du boxeur Mijail Dzasokhov, elle permet toutefois de nous ouvrir les yeux sur un programme inquiétant qui, d’après son auteur, doit mettre en exergue le pouvoir spirituel de certains spécimens humains (les dusha). Ce programme, stoppé précédemment pour sa non-compatibilité avec les orientations du Parti, se voit à nouveau remis sur les rails dans un but bien précis. Evidemment, la jeune Martina reste l’élément clé de ce programme dont il va falloir, à force de séquences choisies, en découvrir sa spécificité et ses résultats surprenants.

Au niveau graphique, le travail réaliste de Francisco Ruizgé est indubitablement significatif. Grâce à cet encrage réellement profond, l’artiste campe dès le départ une ambiance assez froide qui colle à merveille avec le cadre. La restitution de ses personnages est également convaincante car elle permet de bien faire sentir par rapport à d’autres la faiblesse de ceux qui subissent le joug d’un pouvoir politique oppressant tout en développant en face une sorte de puissance psychique latente, qui ne demande qu’à être mise à jour. La colorisation est également bien adaptée aux péripéties et conforte parfaitement cette atmosphère pour le moins délétère.

Une ouverture sombre sur un récit historico-fantastique qui a l’avantage d’interpeler et que la curiosité induite pousse à voir son dénouement prochain.

Par Phibes, le 19 avril 2023

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