Edition 75 ans

En 1988, sortaient quatre épisodes de Batman (401 à 404), écrits pas Frank Miller et dessinés par David Mazzucchelli.
Quatre parties d’une seule histoire qui allait définitivement réécrire la mythologie Batman.
On y racontait la première année de Bruce Wayne en tant que Batman, ce qui l’avait poussé à revétir ce costume, à vouloir combattre le crime, on y racontait aussi sa première rencontre avec le commissaire Gordon, avec Selina Kyle… Tout se mettait en place et Batman Year One devenait une référence.
Ce volume propose donc de reprendre ces fabuleux épisodes débarrassés des couleurs de Richmond Lewis, dans un magnifique noir et blanc. Le tout agrémenté de pages de croquis, d’une histoire supplémentaire de Mazzucchelli…

Par fredgri, le 11 mai 2014

Notre avis sur Edition 75 ans

Dès la première fois ou j’ai découvert ces pages, je me suis rendu compte de l’incroyable force du scénario de Miller, un Miller alors au top de sa forme, de ses idées. Mais j’ai surtout été séduit par le graphisme de Mazzucchelli qui me laissait déjà complètement bouche bée, le trait est gras, très réaliste c’est une merveille d’atmosphère.

Cet album est donc un moment exceptionnel, d’une part on revient sur un chef d’œuvre de la BD, mais en plus le tout est complété par des "bonus" qui ne sont pas négligeables et qui sont surtout un moyen exceptionnel de prendre davantage conscience de l’incroyable puissance des noir et blancs de Mazzucchelli. Et d’ailleurs quelle magnifique opportunité d’admirer ce dessin avec cette édition qui pour fêter les 75 ans du personnage propose une version, exclusivité mondiale, en noir et blanc !
Si on est impressionné par les planches du comics dites vous bien qu’ici vous serez bel et bien subjugués tellement tout fonctionne incroyablement bien, reléguant Mazz au rang de maître absolu des cpomics, au même titre que Miller lui même mais aussi des grandes références comme Caniff… !

Mais replaçons un peu tout ça dans son contexte…

On est à la fin des années 80, Crisis vient de tout chambouler et DC en profite pour rebooter (comme ils viennent de le faire à nouveau il y a quelques temps) son univers. Ainsi Superman, Wonder Woman, Flash, Hawkman, Green Arrow etc. retrouvent un nouveau visage, plus moderne. De son côté, Batman a eu un traitement quelque peu radical avec Dark Knight et DC décide de ne pas forcément refaçonner l’image du héros, juste de suivre un peu la dynamique de l’époque, ils demandent donc à Miller de revenir sur le personnage, avec son complice de Daredevil, David Mazzucchelli. Et ce au travers de quatre numéros qui vont revenir sur la première année du héros, sur ses origines !
Miller va ainsi prendre le partie de forcer le côté sombre, polar de Gotham en passant un peu en second tout l’aspect « super-héros », il revient aux fondamentaux du personnages, à l’époque des débuts, quand Bob Kane le créa. Il s’agit donc ici, de flics corrompus, de macs, de gangsters, de crasse.

En elle même, l’histoire, tout le monde la connaît, le gamin qui voit ses parents assassinés devant lui et qui décide, une fois entrainé et prêt, de devenir, adulte, le Batman ! L’intérêt donc de cette histoire ne réside pas réellement dans ces « origines » du héros, tout du moins pas directement. Car si Bruce prend cette décision, c’est surtout parce qu’elle résulte d’un tas de choses, de plusieurs prises de conscience, de la volonté de s’engager dans un combat, de rééquilibrer les choses. Et à ce niveau là, Miller est très habile.
En effet, il mène deux barques en parallèle. D’une part le jeune Bruce revient à Gotham après des années passées loin, à s’éduquer, à voyager, à se former. C’est un jeune homme riche qui sous une apparence de playboy oisif cache en réalité un cœur torturé qui veut se lancer dans un combat ! D’autre part on assiste aussi à l’arrivée du Lieutenant Gordon, à peine sorti d’une affaire de dénonciation de collègues corrompus, il est muté à Gotham, presque par punition… Il est marié, sa femme attend un enfant, et malgré tout, cette ville, cette violence et la tension au quotidien l’amènent à se poser lui aussi des questions sur les limites de son engagement, sur les raisons qui l’ont amené à devenir flic…
D’une certaine façon Gordon est le pendant légal à Batman, la face publique, pourrait-on dire.

Avec cette histoire, Miller établit pour de bon les nouvelles bases sur lesquelles vont se forger les relations entre Selina Kyle et Holly Hunter, Catwoman et Batman, Sarah Essen et James Gordon, Harvey Dent et Bruce Wayne. Sans s’étendre, il use de beaucoup de subtilité pour amener les uns et les autres vers le schéma qu’on suivra ensuite ! Du grand art !

De son côté, Mazzucchelli est juste parfait, complètement en adéquation avec le ton réaliste du récit, tout en rajoutant une texture très sensible, très évocatrice, et ce grâce à un graphisme très juste, qui joue habilement avec les contrastes, les ombres, les suggestions, le tout avec une mise en page de virtuose… Et c’est réellement le gros intérêt de cette version noir et blanc, la possibilté d’entrer de plein pied dans la force et la matière de l’histoire de Miller, mais surtout dans l’impact des planches de Mazz. On se régale sur chaque page, on s’arrête pour s’imprégner de ce trait, de cet encrage parfait ! Urban nous fait là un cadeau sublime !

J’ai plus d’une fois entendue des gens me dire qu’en fait ces histoires de super héros ne les intéressaient pas, que Batman et tous ces personnages c’était pas leur truc. C’est pourquoi cet album est idéal pour ces lecteurs retissants, de par ce côté polar, mais aussi cette histoire d’amitié entre deux hommes qui décident à leur façon de combattre cette plaie qu’est le crime, Batman n’y apparaît que très peu ou davantage en silhouette dans l’ombre d’un bâtiment !

Cet album est aussi le dernier travail de Mazzucchelli pour les majors américaines, il s’est depuis consacré à une production plus indépendante, plus personnelle.

Alors n’hésitez pas, quitte à découvrir seulement maintenant ce Year One autant le faire avec ce très beau volume exceptionnel !

Par FredGri, le 11 mai 2014

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