Emkla

C’est un livre empli de mystères que nous propose Peggy Adam, et ce dès les premières pages. Car, avant même d’assister à la première calamité, le lecteur découvre une ambiance de village très particulière. 

L’héroïne, une adolescente dont le prénom nous reste inconnu, évoque son envie de partir et son incompréhension de la peur viscérale des autres habitants pour la forêt et les animaux. On s’interroge immédiatement. Existe-t-il des contacts avec l’extérieur ou bien vivent-ils en totale autarcie ? 

L’archaïsme se dévoile à travers des rites païens ou encore la gouvernance très patriarcale des lieux. Grâce à son héroïne un peu rebelle, Peggy Adam vient bousculer ces visions d’un autre âge. La jeune femme a envie d’aller au delà de ses peurs, de ses doutes, et des barrières que sa famille et ses voisins ont imposés. Mais est-ce possible ? 

A ces questions existentielles viennent soudain s’ajouter des catastrophes, toujours plus spectaculaires, toujours plus terribles. Le récit devient alors surnaturel, dans une tournure particulièrement sombre. La nature semble soudain vouloir faire vivre l’enfer aux humains. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi, fidèles, selon eux, à Emkla et à ses lois. 

Happés par le drame, nous cherchons des explications, interprétons des signes qui n’en sont peut-être pas. Le lecteur n’a jamais de certitudes, et prend les scènes, spectaculaires, comme autant de gifles émotionnelles et graphiques. Car le dessin est très fort dans cet album. Il semble vivant, foisonnant. Il est aussi saisissant de contraste, comme ces paysages de neige, en pleine page, beaux comme une poésie et qui renferment pourtant les pires menaces. C’est un peu tout ça à la fois, le nouveau livre de Peggy Adam, la magnificence subjuguée par la mort ou l’émerveillement figé par la peur. Le coup de crayon de l’artiste est une prose à lui tout seul. Elle dessine des biches adorables qui peuvent pourtant être un danger pour les hommes ! 

On ressort de cette étrange aventure avec nombre de questions. Mais, si la conclusion reste à la libre interprétation du lecteur, certains messages sont limpides, notamment sur la responsabilité humaine face aux désastres écologiques, ou la fragilité de la place de la femme dans nos sociétés. Ils sont traités, là, de manière renversante par Peggy Adam. 

Par Legoffe, le 18 septembre 2023