Épinette noire

Décembre 1947. Violette s’apprête à effectuer son dernier vol aéropostal de la saison au dessus des vastes étendues blanches du nord canadien. Exceptionnellement, elle part seule, sans mécanicien. La météo s’annonce bonne. Mais une tempête inattendue s’abat soudain sur la région…

Par legoffe, le 8 février 2024

Notre avis sur Épinette noire

En résidence d’artiste à Québec, Aurélie Wilmet a été particulièrement inspirée. Elle nous entraîne dans un voyage étonnant au coeur des immensités nord-canadiennes, en pays Nunavik. L’atmosphère envoutante qu’elle a su créer tient autant à son récit qu’à ses dessins.

Aurélie Wilmet nous raconte donc un moment particulier de la vie de Violette, une femme très intéressante car elle est, par certains aspects, plutôt hors du commun. Mais on découvre aussi qu’elle peut être fragile, comme tout un chacun. 

Si je dis « hors du commun », c’est au regard de son parcours. Il n’y avait guère de femmes pilotes dans les années 1930, ce métier étant très masculin et considéré comme risqué et aventureux. 

L’autrice n’en fait pas pour autant une « surfemme ». En l’envoyant, jeune mariée, avec son époux dans un village reculé du nord canadien, on la découvre timide, sous emprise de l’homme à qui elle s’est liée. Il l’isole et l’empêche d’avoir des contacts avec les Inuits. 

Nous allons alors découvrir comment elle va évoluer et se faire une place dans cette communauté avant de reprendre les commandes d’un avion postal.

Cette première partie est racontée avec beaucoup de pudeur et d’humanité. Le lecteur est immédiatement touché, pouvant facilement se retrouver dans le vécu des personnages. 

L’aspect « conte » ne survient ainsi réellement que dans la seconde partie de l’album, qui prend alors des allures fantastiques. Après l’accident, Violette a souvent des malaises. L’autrice en joue pour semer le doute dans l’esprit du lecteur. Y a-t-il réellement d’étranges phénomènes autour d’elle ? Des dangers ? Des ours ? Ou bien est-ce le fruit de son cerveau embrumé par les blessures dues à l’accident ? 

Si nous naviguons alors aux confins de l’étrange, le récit ne part pas pour autant à la dérive. L’autrice alterne, en effet, ces passages avec d’autres où Violette tente de survivre par des gestes pragmatiques, sans oublier les scènes où l’on suit la caravane tentant de venir à son secours. Cela apporte du rythme et du suspense.

L’esprit fantasmagorique est renforcé par le style graphique d’Aurélie Wilmet. Ses dessins sont formés uniquement par sa mise en couleur, sans le moindre trait séparatif. Le style peut paraitre naïf au premier abord, mais on sent que tout est parfaitement maîtrisé, à commencer par les perspectives et les volumes. 

Le travail des planches contribue à ce résultat général, celui d’un beau livre, au caractère unique. 

Bravo à Aurélie Wilmet qui a su trouver le parfait équilibre entre aventure humaine et conte fantastique, entre pur réalisme et mystères de l’esprit. A l’instar finalement de l’approche que les Inuits peuvent avoir du Monde…

Par Legoffe, le 8 février 2024

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