Etat de veille

C’est l’histoire de Lario le crâneur, Marzio, Loris la couleuvre, Gino « Dribblino », Rolfo, Hyper, Robertino, Minchia… Et Koper, le personnage que l’on suivra. C’est l’histoire de ces gamins italiens vivant dans un quartier excentré de la ville, un quartier classé à haut risque car placé juste à côté d’une usine dangereuse de produits chimiques. C’est l’histoire de gamins livrés à eux-mêmes, jouant au foot et faisant des conneries, pour fuir l’ennui, fuir la réalité et s’évader dans les contrées lointaines de l’imagination.

Par Placido, le 31 janvier 2011

2 avis sur Etat de veille

On peut s’estimer chanceux, lorsque l’on jette un œil à la qualité globalement décevante des sorties Casterman, de profiter encore de quelques coups d’éclats. Avant même de savoir de quoi parlait cette BD, j’étais déjà sous le charme de sa couverture sublime. Rajoutons à cela un conseil positif de mon libraire et c’était parti pour découvrir l’une des BD marquantes de ce début d’année.

Autant l’annoncer tout de suite, ce n’est pas forcément facile à lire, tant sur le sujet traité, que sur la forme que prend le récit. C’est noir, c’est sombre, on avance à petit pas vers une direction inconnue mais jamais on ne fait retour arrière, on reste scotché devant ces mômes du quartier, jouant au foot ou traînant ci et là.
Le début est très déstabilisant, il y a beaucoup de chose que l’on ne comprend pas, pas tout de suite voire jamais. Saccadée en de nombreux chapitres, l’histoire se révèle au compte-goutte, l’auteur prend le temps de nous raconter, de témoigner et de nous captiver. Chaque chapitre recèle d’une scène de vie, s’arrête sur une personne en particulier, sur des conversations d’enfants, sur des matchs de foot, sur les bêtises qu’ils font et bien évidemment, sur ce qu’ils subissent au quotidien : le cloisonnement du quartier, l’ennui, l’usine et les odeurs qu’elles dégagent, le canal d’eaux usées infesté de résidus chimiques…
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que nous découvrons toutes ces choses à travers le regard d’un enfant, un enfant en âge de comprendre ce qui se passe mais auquel on cache encore des choses, un enfant avec ses propres peurs et ses propres questions mais aussi son enviable insouciance. Le travail de l’auteur est d’ailleurs remarquable pour avoir réussi à retranscrire toutes ces émotions juvéniles ! Cela change la donne et installe une ambiance bien spécifique, le message qui est transmis nous est perçu différemment.

Et puis l’ambiance qui ressort de ce livre est tout bonnement stupéfiante. A mi-chemin entre Baudoin, David B. et Jeff Lemire, Davide Reviati se révèle être un auteur extraordinaire quand il s’agit de trouver les mots justes, d’écrire des dialogues courts mais pertinents, de rythmer le récit avec des cases silencieuses mais qui en disent long… Oscillant également entre le réel et l’onirique, par petites touches. Le rendu est d’une poésie noire tout à fait envoûtante.
Il y a aussi ces petits interludes en début de plusieurs chapitres, hors du temps et de l’histoire, transmettant un message ou participant simplement à l’ambiance.

On découvre beaucoup de chose tout au long de ces 349 pages, au fur et à mesure que le personnage vieilli. Les événements qui ont marqué le quartier et ses habitants, l’état d’esprit dans lequel ils ont grandi… Tout est dans le non dit, tout est suggéré, tant les moments tragiques que les moments de félicité, on comprend les choses à travers des petites scènes de vie, des anecdotes, des détails. Le rendu global est assez flou, mais il jouit d’une force incroyable.

Je faisais référence à Baudoin un peu plus haut, on pense aussi à cet auteur par rapport au dessin. Le trait gribouille de Reviati évoque beaucoup de chose, les mouvements sont très bien rendus et ne parlons pas des visages… Quelles gueules que ces gamins du quartier !

Etat de vielle est un diamant brut, un diamant noir, un roman graphique autobiographique qui ne peut laisser indifférent si on se donne la peine d’être patient, d’être attentif et de se laisser transporter par le talent de l’auteur. A noter au passage qu’il a obtenu le prix du meilleur album au festival de Naples 2010.

Un total coup de cœur !

Par Placido, le 31 janvier 2011

Etat de veille est comme un songe éveillé, de celui qui nous empoigne soudain sans prévenir et suspend le cours du temps. L’instant fugace d’une lecture, Davide Reviati partage avec nous quelques uns de ses souvenirs d’enfance. Son propos est tenté du surréalisme et de la dureté des gosses, tout en se mêlant au fur et à mesure des pages à un regard plus « lucide » porté sur le monde qui l’entour. Mais pour autant, Davide Reviati n’abandonne jamais complètement cette part d’enfance qui est en lui… Mélancolie et critique avisée mènent une course effrénée dont au final on ne connait pas réellement le vainqueur : une pointe de mystère empreint de pudeur qui offre au récit son charme fou.

Premier roman graphique pour cet auteur italien, et un premier coup de poing. Etat de veille est un récit fort et rare. Un must incontournable pour les passionnés de bande dessinée.

Par melville, le 24 février 2011

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