EURYDICE

Au cœur du désert, un long convoi transportant la dépouille d’un prince a atteint les contreforts du Palais des Dieux. Dans la cohue qui se crée lors de la sinueuse ascension du chemin qui mène à la grande porte, une jeune femme s’en échappe. Après avoir quitté son habit de cérémonie, elle se réfugie dans une anfractuosité rocheuse. Elle est surprise par un jeune homme, Orphée, qui l’invite à entrer dans la ville au pied du palais. Il l’entraîne à son domicile qu’il partage avec sa sœur Calliopé, danseuse de cérémonie. Consciente des risques qu’ils encourent pour être sortis de la ville et du surcoût que génère l’hébergement d’une étrangère qui n’est pas censée voir les secrets du palais, celle-ci accepte néanmoins leur hôte. Malheureusement, Eurydice a décidé d’aller au palais des Dieux pour parler au dieu des morts Hadès. Grâce à l’aide d’Orphée, elle finit par découvrir ce qui se cache réellement derrière cette vitrine divine. C’est alors la grande désillusion, au point que la jeune femme se laisse progressivement mourir. Et si elle tentait de se raccrocher à la vieille légende selon laquelle la porte du Royaume des Morts se trouverait dans le désert ? Pourrait-elle la trouver et si c’est le cas, serait-elle, vivante, acceptée ?

Par phibes, le 29 octobre 2024

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Notre avis sur EURYDICE

Autrice polyvalente à laquelle on doit entre autres le polar L’homme de la situation, des romans graphiques tels que Comme un oiseau dans un bocal, La fille dans l’écran, Goupil ou face…, Lou Lubie revient dans les bacs pour nous offrir un remarquable album qui fleure bon la mythologie grecque.

En effet, l’artiste a décidé de s’emparer du mythe d’Orphée et de sa dulcinée Eurydice et de le transposer d’une manière bien personnalisée et on ne peut plus plaisante à parcourir. Pour cela, elle s’est amusée à déstructurer cette histoire d’amour hors norme en redistribuant les rôles et en lui donnant une conception plus moderne et plus romancée.

C’est ainsi que nous découvrons très rapidement le fameux Orphée et son chant envoutant, suivi par Eurydice, jeune femme tourmentée, tous deux étant promis à se rencontrer pour une idylle à la fois belle et évidemment cruelle. On tombe assez vite sous le charme de cette adaptation dramatique avec des personnages comme Orphée qui reste des plus bienfaisants (pour ne pas dire enchanteur) vis-à-vis d’une jeune étrangère au passé mystérieux et aux intentions bien arrêtées. L’histoire qui découle de cette rencontre et qui va entraîner dans son sillage la sœur du héros, Calliopé, génère des moments forts quant aux découvertes faites par Eurydice sur le Palais des Morts et sur les désillusions qu’elles suscitent, à ses aveux terribles sur ce qu’elle était et qu’elle a voulu lâcher. On nage en plein marasme, marasme qui comme le mythe, va se transformer en tragédie.

L’intrigue principale bénéficie également d’une étoffe conséquente puisque Lou Lubie a souhaité lui associer des séquences parallèles intéressantes comme le statut des danseuses de cérémonie, l’idylle entre Calliopé et son médecin, les créations de papier de Pygmalion… L’on concèdera que le développement de cette équipée romanesque se meut subtilement entre fantastique et féérie et touche eu égard à son traitement tout en sensibilité.

Il en est de même pour la volumineuse partie graphique traitée par Solen Guivre. Pour un premier album grand public, on peut d’ores et déjà dire que cette dernière fait une entrée remarquée. Son esthétisme reste de belle qualité, avec des plans modernes, chaudement colorisés, des personnages délicats et convaincants expressivement, des décors carrément exotiques. Il ne fait aucun doute que l’artiste a effectué un travail d’inspiration des plus soignés qu’elle décrit généreusement en fin d’album dans un cahier graphique très éclairé.

Une belle revisite d’un mythe qui se joue superbement de l’interaction de la réalité et des croyances.

Par Phibes, le 29 octobre 2024

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