Faire le mur

Il s’appelle Mahmoud Abu Srour, il est épicier et tue le temps en s’adonnant à ses deux passe-temps préférés, le dessin et la lecture. Palestinien d’origine, résident malheureux du camp de réfugiés d’Aïda en Cisjordanie dont les hautes murailles sont là pour matérialiser les limites du territoire concédé, le jeune homme aspire à une autre existence, faite d’harmonie et libérée de toute contrainte conflictuelle. Cette espérance se trouve amplifiée par la présence de la belle Audrey, une jeune étudiante française, qui est venue visiter le pays et pour laquelle Mahmoud a des sentiments. Étant déterminé à la conquérir, il lui propose de la loger chez sa sœur à Beer-Sheva, bourgade israélienne non loin du camp où il vit. Mais pour la rejoindre, le jeune palestinien n’a qu’une seule possibilité, de surcroît très risquée, celle de franchir illégalement le mur d’enceinte.

Par phibes, le 4 mai 2010

2 avis sur Faire le mur

Après son intervention remarquée dans le collectif Gaza de chez La Boîte à bulles et sa performance graphique sur l’adaptation philosophique de la vie de Nietzsche aux éditions du Lombard, Maximilien Le Roy retrouve, sans perdre de temps, le chemin éditorial avec ce nouvel album publié par Casterman.

Cette fois-ci seul aux commandes, ce jeune artiste engagé réalise un ouvrage très consistant qui se veut à la fois biographique, légèrement romancé et très documentaire. En effet, fort de ces voyages et de ses connaissances sur le conflit israélo-palestinien, il vient placer le lecteur au pied du mur pour lui faire toucher du doigt le climat fortement délétère que connaît cette partie territoriale du Proche-Orient et les évènements malheureux qui en découlent. Pour ce faire, rien de mieux que de mettre en scène un personnage (Mahmoud Abu Srour) qu’il connaît bien puisqu’il a rencontré, qui maîtrise parfaitement la problématique, avec lequel il se trouve en parfaite osmose et par lequel l’analyse politique de la Cisjordanie va être passée au crible.

Afin de bien rentrer dans l’intimité du protagoniste, Maximilien Le Roy privilégie les pensées plutôt que la parole. C’est par l’intermédiaire d’une voix-off abondante, structurée et riche en informations authentiques de toute sorte, en flash-back explicites, que l’auteur évoque les tensions, l’incompréhension d’un tel morcellement, d’une telle injustice, d’une telle répression qui fait vibrer le peuple palestinien.

Bien que le cadre ne se prête pas à la joie de vivre, l’espoir fait tout de même une petite percée par l’intermédiaire d’Audrey qui incarne la soif d’autonomie de Mahmoud et de tous les oppressés derrière lui. Le bonheur, même éphémère, a donc sa place et permet, de fait, de s’éloigner un temps soit peu, de la douleur du quotidien.

Le travail graphique de Maximilien LeRoy est plein de délicatesse. Sans pour autant rechercher une authenticité primordiale dans le trait, il offre une sorte de crayonné sur papier à gros grain, à la fois réaliste et sommaire, rehaussé par une couleur aux tons vert sombre, entrecoupé subtilement de croquis vifs et de scènes passées incolores. Les postures de Mahmoud sont de véritables appels graves à la réflexion, à la concentration et incitent inévitablement à la compréhension de l’Histoire.

A noter qu’en fin d’ouvrage, afin de faire mieux apprécier les ambiances liées à la problématique des territoires occupés, sont annexés un album photo du personnage principal, un reportage photographique de l’auteur Maxence Emery et une interview du journaliste Alain Gresh.

Un superbe one-shot qui dénonce avec vigueur et discernement le clivage entre les peuples.

 

Par Phibes, le 4 mai 2010

Maximilien Le Roy nous donne beaucoup à réfléchir avec à ce livre. En racontant à la première personne la vision d’un Palestinien de cette situation terrible et inextricable, nous avons une approche forte et très réaliste de ce qui se trame en Israël aujourd’hui. Son ami Mahmoud est d’autant plus intéressant qu’il n’est pas un extrémiste, mais un homme qui réclame simplement le droit à vivre normalement.

Très humaine, cette bande dessinée vous marquera fortement car elle raconte la vie telle qu’elle est vécut derrière le Mur de la honte érigé par Israël. Devant une telle façade d’incompréhension, comment ne pas avoir envie de se révolter ?

Par Legoffe, le 29 mai 2010

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