Fantask
Ils sont partout
Aujourd’hui, tout est en effet prétexte à imaginer ou dénoncer toute sorte de complots qui impliquent des extraterrestres, des manipulations de sociétés secrètes, des mensonges d’État, des manigances politiciennes… Que tout ça soit ou non vérifiable, on ne peut nier que progressivement ce phénomène s’est répandu dans la culture pop depuis des décennies, exalté par des séries comme Les Envahisseurs ou X-Files. Aujourd’hui, le réel et l’imaginaire se mélangent de plus en plus, avec l’avènement d’Internet et de ses « grands » espaces d’expression. Le Mook Fantask se penche donc sur le rapport avec la fiction, au gré des interviews, des articles et des planches de bande dessinée.
Par fredgri, le 22 juin 2023
Notre avis sur Fantask #3 – Ils sont partout
S’il y a bien aujourd’hui un grand débat, c’est celui qui concerne les limites de notre connaissance et l’ampleur de ce que nous préférons deviner plutôt que de véritablement vérifier.
L’Histoire s’est nourrie au fil des siècles d’une multitude de complots divers, qu’il s’agisse d’aller fomenter l’assassinat d’un empereur, d’un président ou d’un simple mari encombrant, il y a toujours eu des raisons pour croire que nous, simples humains, passions à côté d’une histoire secrète faites d’Oligarques se réunissant en clubs privés, d’un ordre obscur qui œuvre depuis des siècles (« Regardez bien, ce détail en haut du tableau, c’est un signe…« ), voir même d’une race extra terrestre qui aurait progressivement remplacé les plus grand personnages de l’Histoire…
Mais aujourd’hui, il ne suffit plus d’en rire, bêtement, car les innombrables théories les plus loufoques cachent souvent les idées les plus sérieuses, le tout entretenu par une marée de nouveaux experts auto-proclamés.
À force de crier au loup au moindre virus, plus personne ne sait plus ou tourner la tête, quitte à se précipiter sans se poser la moindre derrière chaque nouvelle Cassandre qui se présente.
Pour accompagner cette grosse tendance, entretenue par les films, les séries télé, par tous ces réseaux sociaux qui jouent allègrement avec le moindre document étrange couvert de noms en latin, la revue/Mook Fantask lui consacre son troisième volume, enrichi de nombreux entretiens, d’articles de fond et de planches de BD qui s’interrogent. Même si finalement, il en ressort que si tu peux croire ne serait-ce même qu’à un tout petit complot t’as vraiment trop perdu ta life. Mais fort de ne pas complètement se contenter de ce petit partisianisme assumé, la rédaction se pose des questions, explore avec les invités les contours d’une vision qui progressivement mêle le réel et l’imaginaire. Mais surtout, elle brosse le portrait d’une société qui s’inquiète, qui ne fait plus confiance ni à ses autorités, ni à ses médias et peut-être encore moins à son voisin qui la regarde bizarrement (il suffit de repenser aux envolées délirantes, de toute part, qu’il y a eu autour de cette « pandémie »).
Il y a des parties qui sont extrêmement passionnantes, comme par exemple l’entretien avec Yann Potin qui se penche sur le rapport de la France aux complots, historiquement et culturellement, notamment par le biais de la propagande. Ou encore Pierre-André Taguieff qui se penche sur les raisons et le sens profond de toutes ces théories alambiquées. Sans oublier Chris Carter, le créateur de X-Files, la série fer de lance de cette mouvance conspirationniste…
224 pages absolument édifiantes, qui soulèvent des débats passionnants. On peut ne pas adhérer à tout, on peut continuer de se dire que malgré tout, le complot reste une des grandes constantes de l’Histoire, mais il convient d’y réfléchir, de faire le tri et s’informer. Et Fantask joue extrêmement bien ce rôle en nous interpelant sur un des phénomènes les plus clivants du moment.
Encore une fois, nous ressortons pensif de cette lecture et c’est bien l’une des qualités principales de Fantask.
Très conseillé.
Par FredGri, le 21 juin 2023