FINNELE
Allers-Retours

En 1928, Finnele, qui a 22 ans, débarque à Paris pour exercer un poste de femme de chambre. Rêvant d’une vie plus « luxueuse » et excitante, elle va devoir cependant mettre de côté ses projets…

Par v-degache, le 25 mars 2021

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Notre avis sur FINNELE #3 – Allers-Retours

Avec ce troisième tome Allers-retours, Anne Teuf poursuit le récit de la vie de sa grand-mère Joséphine, surnommée « Finnele ». Initialement publié sur son blog, Delcourt avait publié le 1er volume en 2014.
Finnele, qui a 8 ans dans le 1er tome lorsqu’éclate la 1ère Guerre mondiale, a évidemment bien grandi, et, jeune femme, se retrouve à Paris à la fin des années 1920 en tant que femme de chambre dans une maison bourgeoise. Elle retrouve le week-end le reste de la diaspora alsacienne, qui continue de faire gonfler les rangs de la population parisienne après-guerre !

Ce tome 3 propose une vraie chronique sociale de l’entre-deux-guerres, abordant le désir d’échapper à sa condition sociale en adoptant les codes et le mode de vie urbains. Si l’auteure fictionne grandement l’histoire familiale, elle ancre toutefois celle-ci dans une réalité historique documentée et rigoureuse. Joséphine évolue ainsi dans un Paris marqué par l’action des Ligues d’extrême-droite racistes et antisémites comme les Croix-de-Feu de de la Rocque ou les Jeunesses Patriotes, les scandales politico-financiers alimentant l’antiparlementarisme, alors qu’à l’Est débute la construction de l’infranchissable ligne Maginot…

Ses espoirs d’une nouvelle vie sont refroidis par la tuberculose qui la touche, et qui permet à l’auteure de nous gratifier de belles scènes au sanatorium balnéaire des dunes de Zuydcoote, où la psychanalyse freudienne pénètre dans les dortoirs des convalescentes ! Ces instants où le temps semble suspendu, sous le soleil du Nord, annoncent cependant pour Finnele des temps plus durs, marqués par un retour à Aspach-le-haut, et l’occupation allemande.

Avec ses dessins aux contours noirs réalisés au Rotring, et parfois des effets de flou obtenus en frottant les gris réalisés au crayon fusain, il se dégage un vrai style Anne Teuf. Sur certaines planches, la trame du papier ressort, laissant apparaître des traits horizontaux, produisant aussi des compositions bien particulières.
Si le concept de la fresque familiale s’insérant dans la grande histoire n’est pas nouveau, le style de l’auteure donne une dimension très personnelle à l’ensemble de l’œuvre, rendant très agréable la déambulation dans ces scènes de la vie quotidienne de l’entre-deux-guerres puis de l’intégration au Reich et de la Gleichschaltung qui s’en suivit.

L’histoire de l’Alsace s’inscrit en effet en filigrane, notamment par l’évocation de l’agitation provoquée par les autonomistes, qui se voient même accusés de remettre en cause la sûreté de l’Etat, conduisant au Procès de Colmar en 1928. Le destin tragique des Malgré-nous et Malgré-elles est quant à lui habilement évoqué par A. Teuf, par l’entremise de ses personnages secondaires. Un court dossier historique revient sur ce sort de l’Alsace durant la 2ème Guerre Mondiale.

De la fin des années 20 jusqu’à la Libération, ce tome 3 de Finnele nous livre un beau tableau du quotidien de la bourgeoisie parisienne, puis de la campagne alsacienne. Sans émettre un jugement péremptoire sur ses personnages, Anne Teuf pose sur eux un regard plein de pudeur et de tendresse. Quant à son dessin, il arrive à restituer le quotidien avec réalisme et sensibilité, et donne envie de poursuivre l’aventure avec Joséphine !

Par V. DEGACHE, le 25 mars 2021

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