FREDDY LOMBARD (NOUVELLE ÉDITION)
F.52

Dans cette réédition de l’ultime album de la série Freddy Lombard, nous nous retrouvons encore une fois dans une ambiance totalement différente, un huis clos étourdissant d’absurdité et de folie ! Le cadre confiné de l’avion sert admirablement cette atmosphère pesante ou chacun semble être dépassé, ou tout semble dérailler et ou de multiples intrigues se mélangent les unes aux autres ! Qu’il s’agisse de cet espion qu’il faut démasquer, de cette petite fille disparue mystérieusement remplacée par une autre, de ces parents qui séquestrent la petite Isadora, de Dina qui doit subir les avances quelque peu envahissantes de son chef, Chaland et Yann s’amusent à brouiller les pistes pour mieux s’amuser de ces passagers, des défauts des uns, des exagérations des autres, de même qu’ils tordent avec un plaisir visible les codes du genre en se moquant et malmenant leurs héros qui se voient tour à tour traité de pédophile, d’espion et harcelée par un équipage qui accumulent les amalgames sans trop réfléchir !

Au centre de cette intrigue, donc, il y a les parents de Sheila qui veulent se débarrasser de leur fille et la remplacer par la petite Isadora. La situation part alors en vrille et sert rapidement de fil conducteur pour entraîner le reste de l’album dans une succession de scénettes qui frôlent parfois la fantaisie la plus débridée. En cela on retrouve aussi le schéma habituel de ce genre de récit, des micro histoires pour aborder des caractérisations forcées au maximum, établissant ainsi le portrait d’un microcosme plus ou moins représentatif d’une certaine société… Les premières classes luxueuses, les classes économiques avec les enfants qui braillent, l’intolérance générale, l’aliénation, la lutte des classes et la hiérarchisation stigmatisante !
Le duo d’artiste s’interroge aussi sur les règles du genre. Ici les héros sont dépassés par ce qui se passe, devenant pratiquement les victimes d’une incompréhension générale. De ce fait ils perdent progressivement leur statut de héros véritables pour devenir, au même titre que d’autres, de simples acteurs de l’album qui suivent le courant, impuissants.

Cette histoire démarre très vite, comme dans un film catastrophe, une sorte de parodie des films des années 70 avec une touche d’Utopie des années 50/60, mais toujours avec cette touche de désillusion cruelle, de cynisme propre à Chaland, les êtres qui sombrent dans leur folie, complètement largués par les évènements, qui font preuve de méchanceté, de bêtise, que rien ne semble pouvoir racheter…

Le graphisme de Chaland est toujours aussi magnifique, mais je ne sais pas si finalement cette ambiance huis clos, convient bien à son style qui a déja tendance à s’épurer de plus en plus !
En tout cas, cette réédition de F.52 qui demeure certainement l’un des meilleurs de la série Freddy Lombard, et plus largement de l’œuvre de Chaland lui même, nous démontre combien ce génie de la BD avait encore de très beaux jours devant lui, et combien il est toujours très important de réhabiliter cet incroyable auteur, au trait si parfait !
Très conseillé, malgré un prix quelque peu prohibitif, je l’admet !

Par FredGri, le 13 mars 2014