Golden West

Forcé de vivre désormais seul, banni de sa propre tribu, le jeune apache Woan doit apprendre à survivre, loin des siens. Progressivement, il s’endurcit au contact des éléments naturels, il s’habitue à cette vie d’errance en essayant le plus possible d’éviter la route de ceux qui peuvent lui poser problème… Jusqu’au jour ou il rencontre l’énigmatique guerrière Lozen qui lui apprend le maniement des armes, qui anime en lui une flamme étrange. Puis arrive le légendaire Geronimo qui enfle son cœur de guerrier, qui l’entraîne dans ses premiers raids, qui réveille cet héritage indien qu’il croyait étiolé dans le sable… Mais la route est encore longue…

Par fredgri, le 11 octobre 2023

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Notre avis sur Golden West

Christian Rossi n’avait plus écrit ses propres scénarios depuis les deux premiers volumes du Chariot de Thespis en 82. C’est donc en quelque sorte un retour aux racines qu’il nous offre avec ce remarquable volume de 168 pages ou se révèle une écriture extrêmement fine et profonde, au service d’un dessin virtuose particulièrement audacieux. Le parfait exemple d’un classicisme digéré avec beaucoup d’intelligence, qui gagne en personnalité au fil des albums.

On parcourt les pages de cet album en admirant, en premier lieu, la beauté des paysages, cette impression de suivre des yeux un maître au sommet de son art qui se fait plaisir à raconter à son rythme un récit mêlant aventure, intimisme et grande Histoire, avec son lot de violence, de drame… Rossi prend donc son temps, s’attarde sur des détails, il insiste sur l’univers que traverse son jeune héros, guerrier solitaire, ces rochers, ce soleil, cette sécheresse. La dominante ocre accentue la chaleur pesante, l’air piquant, on entendrait presque craquer les brindilles… Et c’est ce qui marque en premier le lecteur, l’importance des silences, la précision des cadrages. On entre par la porte de l’image.

Au fur et à mesure de l’album, Woan grandit, il incarne cette pensée indienne, généreuse et sage, qui observe et s’harmonise avec son environnement. Il reste un temps en retrait des grandes passions, du grand récit américain qu’il ne pourra malgré tout pas éviter. Ses rencontres sont essentielles, elles correspondent à des étapes importantes qui l’amènent à évoluer. Qu’il s’agisse de Lozen, farouche guerrière au caractère très indépendant ou le légendaire chef de guerre Geronimo, ils symbolisent ds aspects différents de l’identité indienne qui montrent bien que Woan est intérieurement divisé. Quelle voie suivre, plus qu’une autre ? Quand elle le voit partir avec Geronimo, Lozen l’observe silencieuse… Peut-être aurait-elle souhaité qu’il reste un peu plus sur les sentiers, à ses côtés…
C’est vraiment toute la particularité de cette écriture toute en subtilité qui raconte par l’image, par les mots, par les silences, mais aussi par les non-dits. En parallèle, Rossi adopte une approche assez personnelle, qui fait fi des narrations habituelles. Pas de romance trop classique, pas de morale trop lourde, ni même de déroulé trop téléphoné, le récit se déploie à son rythme, permettant de travailler avec précision les mises en scène. Il n’y a pas de texte en trop ni de séquence gratuite, tout est au service d’une ambiance, d’un propos très précis.

Rossi n’a visiblement pas envie de se perdre dans un regard trop partisan, trop manichéen, quand bien même il y a des bons et des méchants. On se rend vite compte que la situation, malgré un traitement tout en épure, est plus complexe. L’artiste nous propose donc de suivre le jeune indien qui devient adulte, qui retrouve sa tribu, se marie, qui se lance dans des combats, mais qui sait aussi passer outre les préjugés en se liant d’amitié avec deux prospecteurs. Il dépasse ainsi les archétypes écornés pour gagner en pertinence, en personnalité.

Golden West est l’album ou Rossi pousse le plus loin son art, certainement. C’est captivant et extrêmement beau, démontrant ainsi que même s’il demeure l’un des grands maîtres de la BD franco-belge, il devient un narrateur complet hors pair.

Je ne saurais assez vous conseiller de ne pas passer à côté de ce sublime album.

Par FredGri, le 11 octobre 2023

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