GROSSIR LE CIEL

Après avoir perdu sa mère en 1989, Gus vit seul dans une ferme isolée qui fait partie de la commune rurale de Pont-de-Montvert. En ce mois de janvier 2007, alors que la neige a recouvert la campagne environnante, il part à la chasse aux grives. C’est lors de cette sortie qu’il est témoin de cris et de déflagrations. Il se dirige vers la ferme de son plus proche voisin Abel et découvre des traces de sang à même le sol. Affolé, il s’enfuit, il retourne précipitamment chez lui. La nuit qu’il passe est désastreuse et au petit matin, il décide de retourner chez Abel. Celui-ci le surprend alors qu’il se trouve dans la cuisine et pour justifier sa présence, prétend être venu pour lui emprunter sa tronçonneuse. Une fois récupéré l’ustensile, Gus fait mine de s’en aller et va se réfugier dans une grange à côté pour épier son voisin. C’est ainsi qu’il découvre avec effroi ce dernier en train de nettoyer une pelle avec du sang dessus. Qu’a bien pu commettre Abel ? Quelles sont ces traces de pieds nus qui vont vers la ferme de celui-ci ? L’inquiétude va grandir à la suite de la visite chez Gus d’un évangéliste qui recherche une jeune collègue à lui qui a disparu…

Par phibes, le 10 septembre 2024

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Notre avis sur GROSSIR LE CIEL

Après Albert Londres doit disparaître paru en 2022, l’artiste Borris se retrouve à nouveau dans les bacs grâce à son dernier one-shot qui se veut l’adaptation en bande dessinée du roman éponyme plusieurs fois primé de Franck Bouysse. Intégrant la collection Mirages de chez Delcourt, ce roman graphique nous plonge au sein de la France rurale, sur un territoire peu populeux et plutôt austère où les hommes, sans se justifier, règlent leur existence en fonction des pulsations de dame nature et de soubresauts inattendus.

Dans une évocation aussi sévère que sont les lieux où se déroulent les péripéties, nous découvrons le quotidien dépouillé des deux personnages principaux que sont Gus et Abel. Ces derniers qui ne sont pas à proprement parler de proches voisins, sont des gens peu loquaces et sans aucun artifice, vivant dans une sobriété totale et sans compagne, hormis leurs bêtes. Toutefois, leur train de vie rustique et presque monotone va subir une secousse sans précédent, et précipiter leur destinée via un évènement mystérieux et ensanglanté qui va révéler quelques secrets bien douloureux.

L’histoire est donc d’une grande noirceur, voire accablante par les évènements que nous y découvrons. Gus s’ouvre à nous dans sa très faible verve, à la faveur de plusieurs flash-backs, et gagne progressivement en profondeur et en tragédie. Abel, de son côté, entretient son côté mystérieux, et installe un véritable malaise jusqu’à la découverte de son secret. Il ne fait aucun doute qu’émotionnellement, le récit est des plus tendus et marque intérieurement, en restant volontairement chiche sur la narration. Et plus on avance dans celui-ci, plus la tension se fait sentir pour enfin éclater de manière impromptue et follement inquiétante.

Borris renoue avec ce graphisme monochrome (avec des pointes de rouge pour la partie sanglante) qui lui sied et que l’on a pu apprécier sur Charogne. Le travail est des plus conséquents quant à la représentation qu’il fait des terroirs isolés et de leur rudesse. S’agissant d’une histoire dramatique, il trouve grâce à ses décors enneigés, l’occasion de rafraîchir encore plus le drame qui s’y joue. De même, Gus et Abel, pauvres hères martyrisés, sont remarquablement croqués dans leurs caractères, leurs silences, leurs tourments et se veulent particulièrement convaincants. A noter que leurs souvenirs font l’objet d’un encrage noir profond qui conforte la dureté de ces derniers.

Une adaptation illustrée très réussie d’une histoire tragique de la France profonde et on ne peut plus amère dans son développement et dans sa finalité, qui ne vous laisse assurément pas de glace. Une lecture intense et remuante à souhait.

Par Phibes, le 10 septembre 2024

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